

La loi narcotrafic en passe d'aboutir, rare succès gouvernemental au Parlement
Priorité de la politique sécuritaire du gouvernement, une proposition de loi très attendue pour lutter contre le narcotrafic est en voie d'adoption définitive mardi, un succès rare pour le gouvernement et le duo Gérald Darmanin-Bruno Retailleau, privés de majorité au Parlement.
Le texte d'initiative sénatoriale est soumis vers 16h30 à un ultime vote de l'Assemblée nationale, qui devrait le valider largement, seuls les élus de La France insoumise y étant opposés.
La réforme a déjà été approuvée lundi à l'identique et à l'unanimité par le Sénat malgré l'abstention des écologistes, après un accord noué entre les parlementaires des deux chambres.
Ce texte est globalement assez consensuel, malgré plusieurs mesures irritantes pour la gauche, qui s'inquiète d'atteintes excessives aux libertés publiques ou aux droits de la défense et promet, pour une partie d'entre elles, de saisir le Conseil constitutionnel.
"Il y a peu de textes qui ont cette force-là", a insisté lundi devant les sénateurs le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, saluant un "vrai succès", "rare dans la situation politique qui est la nôtre", après le vote unanime de ses anciens collègues de la chambre haute.
"Cela veut bien dire qu'on peut transcender les clivages partisans dès lors que nos objectifs concernent vraiment les intérêts fondamentaux de notre nation", s'est-il félicité.
Lorsqu'il dirigeait encore les sénateurs Les Républicains, il avait lui-même activement participé à la mise en chantier du texte, issu d'une commission d'enquête transpartisane sur les ravages du trafic de drogue et de la criminalité organisée.
- Viser le "haut du spectre" -
L'aboutissement de la proposition de loi, portée par deux sénateurs de bords politiques opposés - Etienne Blanc (Les Républicains) et Jérôme Durain (Parti socialiste) -, doit beaucoup à son caractère transpartisan.
Il récompense aussi la stratégie gouvernementale de "laisser la main aux parlementaires", une volonté régulièrement assumée par le Premier ministre François Bayrou, privé de majorité à l'Assemblée nationale et souvent mis en difficulté lorsqu'il propose lui-même des projets de loi sur des sujets sensibles.
Mais ce succès fait aussi office d'exception, alors que de nombreux autres dossiers patinent devant les députés, entre une réforme de l'audiovisuel public avortée, un projet de loi "simplification" dont l'examen s'éternise, ou encore des désaccords de vue sur les déserts médicaux et la liberté d'installation des médecins.
L'adoption définitive de ce texte offre aussi un peu d'oxygène au garde des Sceaux Gérald Darmanin et surtout à Bruno Retailleau, ministre LR constamment mis au défi d'obtenir des résultats dans un gouvernement partiellement macroniste alors qu'il brigue la présidence du parti gaulliste.
Le duo ministériel a en effet érigé ce texte en priorité de la politique sécuritaire du gouvernement, avec un mot d'ordre martelé sans répit durant les dizaines d'heures de débats parlementaires: s'attaquer au "haut du spectre" de la criminalité organisée en dotant la France d'un arsenal répressif permettant aux forces de l'ordre et à la justice de lutter "à armes égales" contre les narcotrafiquants.
- Parquet spécialisé -
Mesure phare - et consensuelle - de la réforme: la création en janvier 2026 d'un parquet national anticriminalité organisée (Pnaco), compétent sur les dossiers les plus graves et complexes sur le modèle du parquet national antiterroriste (Pnat).
Ce parquet spécialisé, chargé de coordonner les juridictions locales, serait adossé à une nouvelle ossature des services d'enquête regroupés au sein d'un futur "état-major" interministériel basé à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Dans la même logique d'une réponse spécifique au "piège du narcotrafic", Gérald Darmanin a défendu la création de quartiers de haute sécurité dans les prisons pour les trafiquants les plus dangereux, un régime inspiré des lois antimafia italiennes et dont le premier exemple verra le jour fin juillet à Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).
Un dispositif controversé permettant la création d'un "dossier-coffre" ou "procès-verbal distinct", pour ne pas divulguer certaines informations relatives à des techniques spéciales d'enquête aux trafiquants et à leurs avocats, va également voir le jour avec cette loi, tout comme diverses dispositions renforçant l'arsenal de lutte contre le blanchiment ou facilitant le travail des enquêteurs.
Autant de mesures dénoncées par les députés LFI, qui regrettent l'option répressive privilégiée par le texte au détriment selon eux d'une logique de prévention passant notamment par la légalisation du cannabis.
W.Dupont--JdB