La renaissance de certaines espèces permet la revitalisation d'écosystèmes
Souvent contraints d'étudier les conséquences de la disparition d'une espèce, les scientifiques ont parfois l'occasion de se pencher sur le phénomène inverse, quand des espèces qui étaient en voie d'extinction connaissent une renaissance spectaculaire.
Des études ont montré qu'un tel retour d'espèces qualifiées de "clés de voute", celles qui ont un rôle majeur sur leur environnement, est vital pour la santé des écosystèmes.
Voici quelques exemples en Amérique du Nord.
- Loups gris
Le loup, pourtant adulé par certaines tribus amérindiennes, a été diabolisé et exterminé par les colons européens arrivés à partir du XVIe siècle.
Au milieu du XXe siècle, on comptait moins d'un millier de loups gris aux Etats-Unis (hors Alaska) alors que l'on estime qu'au moins 250.000 d'entre eux arpentaient le territoire avant l'arrivée des Européens.
Une extinction totale a été évitée dans les années 1970 avec l'adoption d'une loi sur les "espèces en danger", qui a permis de voir le retour de ce prédateur dans certaines parties du pays.
Dans les années 1990, le gouvernement américain a également réintroduit des loups provenant du Canada dans le célèbre parc national de Yellowstone.
La réintroduction a permis d'éviter une prolifération des élans, et par conséquent d'éviter que ces ongulés géants ne ravagent la végétation qui fournit du matériel important aux oiseaux nidificateurs et aux castors pour leurs barrages.
Amaroq Weiss, une biologiste et militante pour la cause du loup au Centre pour la diversité biologique, situé dans l'Arizona, compare les écosystèmes à une tapisserie très fournie. "Quand nous tirons sur certains fils, nous affaiblissons la tapisserie", a-t-elle affirmé à l'AFP.
On estime aujourd'hui à plus de 6.000 le nombre de loups gris aux Etats-Unis, hors Alaska, mais l'espèce reste menacée par la chasse, légale dans certaines régions.
- Bison
L'histoire du bison d'Amérique est étroitement liée à la face sombre des Etats-Unis et de ses débuts.
Leur nombre est passé de quelque 30 millions à seulement quelques centaines à la fin du XIXe siècle, au moment où le gouvernement américain a cherché à éradiquer le bison des Grandes plaines, où résidaient des tribus amérindiennes qui dépendaient grandement du bovin pour leur survie.
"Ce fut un génocide intentionnel pour supprimer le bison, pour supprimer les Indiens, et les forcer à aller dans des réserves" indiennes, a déclaré à l'AFP Cody Considine de l'association environnementale TNC, qui tente d'opérer un retour de l'espèce dans les prairies Nachusa de l'Illinois, dans le nord des Etats-Unis.
Le bison préfère se nourrir d'herbe et laisse ainsi plus de place aux plantes à fleurs et aux légumineuses, permettant en retour à une multitude d'espèces d'oiseaux, d'insectes, et d'amphibiens de proliférer.
Avec ses sabots, le bison laboure également le sol, facilitant ainsi la croissance des plantes et la dispersion des graines.
On estime qu'environ 20.000 bisons arpentent désormais le territoire américain au sein de "troupeaux de conservation".
- Loutres de mer
Historiquement, la loutre de mer était observable de la péninsule mexicaine de Basse-Californie jusqu'à l'Alaska, la Russie et le nord du Japon. Mais sa traque au XVIIIe et XIXe siècle a décimé l'espèce, qui avoisinait les 300.000 individus à une époque.
Considérée comme complètement éteinte des rivages de Californie, une petite population survivante de 50 loutres de mer a permis une renaissance de l'espèce dans la région, qui comprend désormais environ 3.000 de ces mammifères aquatiques.
Jess Fujii, qui dirige le programme des loutres de mer à l'Aquarium de la baie de Monterey en Californie, a déclaré à l'AFP que des travaux de recherche menés au cours des années 1970 dans les îles Aléoutiennes, au large de l'Alaska, ont démontré que les loutres de mer avaient permis la préservation d'espèces d'algues géantes, en gardant à l'équilibre la population d'oursins qui se nourrissaient de ces algues.
Dans les estuaires de Californie, les loutres de mer ont équilibré les populations de crabes, signifiant en retour davantage de limaces de mer qui se nourrissaient d'algues, permettant à son tour de maintenir les zostères, des plantes marines.
Ces zostères sont considérées comme des "crèches des mers" pour les jeunes poissons, et permettent aussi de réduire l'érosion du littoral.
F.Dubois--JdB