JO-2026: l'interminable jeu de pistes du bobsleigh et de la luge
Cortina d'Ampezzo ou... Lake Placid, aux Etats-Unis: à un an de l'échéance, les organisateurs des JO-2026 ne savent toujours pas si leurs épreuves de bobsleigh, luge et skeleton auront lieu sur une piste décriée, encore en construction, ou à 6.000 kilomètres des Dolomites.
Ils ont beau être les sports les plus confidentiels des Jeux d'hiver, jamais le bobsleigh, la luge et le skeleton (luge sur le ventre et tête en avant), n'auront suscité autant d'intérêt.
La raison ? Leur "centre de glisse" où doivent être décernés douze titres olympiques en février 2026, un équipement coûteux et complexe à construire qui donne des maux de tête à quasiment tous les organisateurs de Jeux d'hiver.
Sur les hauteurs de Cortina d'Ampezzo, à quelques mètres de chalets trapus et sous les câbles d'une télécabine, 190 ouvriers sont lancés dans une course contre la montre sept jours sur sept, parfois même la nuit: livrer un serpent de béton de 1.650 m et seize virages, des installations sophistiquées de fabrication de glace, dans un temps record.
Dans son dossier de candidature, Milano Cortina 2026, préféré en 2019 par le Comité international olympique (CIO) au dossier suédois Stockholm-Are, avait imprudemment annoncé que la piste Eugenio Monti des JO-1956 serait rénovée conformément à sa stratégie d'utilisation de sites déjà existants.
Sauf que construit en 1923, le vieux toboggan de ciment, immortalisé dans un James Bond ("Rien que pour vos yeux"), n'est plus exploité depuis 2008 et ne répond plus aux normes de sécurité et environnementales.
- Scepticisme du CIO -
L'appel d'offres pour ce chantier, compliqué, ne trouve pas preneur.
Sans piste active en Italie qui a pourtant organisé les Jeux d'hiver en 2006 à Turin, le président du Comité olympique italien Giovanni Malago annonce en octobre 2023 au CIO que bobsleigh, luge et skeleton seront délocalisés à l'étranger, une première dans l'histoire des JO d'hiver.
La décision fait aussitôt sauter au plafond le gouvernement ultra-conservateur de Giorgia Meloni.
"Les Jeux olympiques de Milan Cortina doivent être des Jeux olympiques italiens, la piste de bob doit être à Cortina", martèle le vice-Premier ministre et ministre des Transports d'extrême droite Matteo Salvini.
Dans le plus grand scepticisme, notamment du CIO qui rappelle qu'aucune piste n'a été construite dans un laps de temps aussi court, la Simico, la société de livraison des ouvrages olympiques, lance un appel d'offres express qui trouve cette fois preneur, le géant italien du BTP Pizzarotti.
Au grand dam d'associations de protection de l'environnement qui dénoncent l'abattage de centaines d'arbres et s'inquiètent de son utilisation après les JO, les travaux débutent en février 2024, à deux ans des JO, pour un montant estimé à 120 millions d'euros.
Et depuis, chaque mois, des représentants de la Simico, des organisateurs, du CIO et des fédérations internationales de luge (FIL) et de bobsleigh (IBSF), font un point sur l'avancement des travaux.
La dernière inspection en janvier a jeté un froid, à l'approche d'un rendez-vous clef pour cette piste, sa mise en glace et les premières descentes pour son homologation prévue fin mars.
- "150 mètres par jour" -
"Le calendrier reste tendu et un défi", ont prévenu mi-janvier la Simico et les organisateurs.
"Nous sommes dans les temps, la pré-homologation aura lieu du 24 au 30 mars", a assuré vendredi à l'AFP le patron de la Simico.
"Rien n'indique qu'ils n'y arriveront pas, confirme Christophe Dubi, le directeur des JO au CIO. Par contre, le temps est compté, ils produisent à peu près 150 mètres de piste par jour".
Selon une source ayant accès aux rapports d'inspection qui a requis l'anonymat, "la possibilité de reculer la pré-homologation en avril existe", explique-t-elle à l'AFP.
Dans le même temps, les organisateurs ont dû plancher sur un plan de secours, comme requis par le CIO.
Et cette solution de rechange est pour le moins déroutante: aux pistes d'Innsbruck (Autriche) et de St Moritz (Suisse), presque voisines, c'est la piste américaine de Lake Placid qui a été préférée.
"C'est la solution la plus pratique d'un point de vue économique (...) parce que d'autres pistes avaient besoin d'un engagement ferme de notre part dès l'année dernière pour entreprendre des travaux de rénovation", explique à l'AFP le patron de Milano Cortina 2026 Andrea Varnier.
"Mais nous sommes plutôt certains et optimistes qu'il ne faudra pas activer ce plan B", sourit-il.
C.Bertrand--JdB