"Booster son immunité" contre les virus: un "mythe" tenace
Sur les réseaux sociaux, dans des publicités ou même en pharmacies, des dizaines de produits proposent de "booster son immunité" face à la période hivernale et ses maladies saisonnières, mais cette promesse "marketing" n'a souvent rien de scientifique.
Vitamines B, C, D ou oligo-éléments: plus d'un Français sur cinq consomme régulièrement des compléments alimentaires, principalement en hiver, selon les autorités sanitaires. Objectif: renforcer ses défenses naturelles, notamment pour combattre la grippe, très virulente cet hiver.
Un "mythe" pour la virologue Océane Sorel, alias The French Virologist sur les réseaux: "Sur le papier, c'est séduisant. Mais ce n'est que du marketing. +Booster son immunité+, ça ne veut pas dire grand-chose."
Pour bien fonctionner, notre système immunitaire a besoin d'un cocktail de nutriments, vitamines et minéraux. Mais ces apports sont en général assurés par l'alimentation.
Parfois, les femmes enceintes, les personnes âgées ou ceux qui suivent un régime "vegan" peuvent présenter des carences.
"Mais pour le savoir, encore faut-il aller consulter un médecin, et il ne s'agirait alors pas de +booster+ le système immunitaire mais juste de rétablir son fonctionnement normal", insiste Océane Sorel.
Contrairement aux idées reçues, il n'existe pas "de potion magique" pour le "rendre plus efficace", renchérit le Pr Irène Margaritis, adjointe au directeur de l'évaluation des risques à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
- De vrais risques -
A la différence des médicaments, les compléments alimentaires ne sont pas soumis à une autorisation de mise sur le marché. Ils ne peuvent revendiquer d'effets thérapeutiques, et les effets positifs sur la santé qu'ils peuvent afficher sont encadrés par l'Union européenne.
"Booster son immunité" est ainsi une allégation de santé non spécifique.
"Elle ne peut être utilisée qu'en complément d'une allégation de santé autorisée, par exemple +la vitamine C contribue au fonctionnement normal du système immunitaire+", explique Claire Guignier, directrice des affaires publiques et de la communication du Syndicat national des compléments alimentaires, Synadiet.
"Un certain nombre d'actifs ont démontré leur efficacité dans le bon fonctionnement du système immunitaire", affirme-t-elle.
Selon la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), sur 78 sites internet commercialisant des compléments alimentaires contrôlés en 2015 (derniers chiffres disponibles), 80% ne respectaient pas les règles.
Sur Instagram, temple des astuces bien-être, les collaborations commerciales mettant en avant ces produits pullulent.
Ce phénomène croissant inquiète le Pr Irène Margaritis: "Les produits vendus sur internet sont bien moins contrôlés, et certains produits ont une composition bien différente de celle affichée."
En pharmacie, les ventes de compléments alimentaires ont bondi de 56% depuis 2019, selon un baromètre du lobby des produits de santé sans ordonnance, NéreS.
Et si les bénéfices face aux virus sont souvent nuls, les risques ne le sont pas, alertent les professionnels.
Le zinc crée par exemple des carences en cuivre. Quant à la vitamine D, l'Anses avait alerté en 2023 sur des cas de surdosage chez des nourrissons liés à la prise de compléments alimentaires.
- "Business" sur la "peur" -
"On pense à tort que ce ne sont que des vitamines, que c'est inoffensif, mais ce ne sont pas des bonbons", rappelle Océane Sorel.
L'agence sanitaire avait également averti en 2023 que des compléments alimentaires à base de plantes pouvaient présenter des risques -parfois graves- pour la santé.
L'aloe vera est par exemple contre-indiqué en cas d’occlusion intestinale, de maladie inflammatoire intestinale, entre autres; l'échinacée en cas de pathologie du système immunitaire ou de prise de médicaments affectant le système immunitaire; le ginkgo biloba en cas d'épilepsie notamment.
"Certaines substances peuvent aussi interagir avec des médicaments, les rendant plus toxiques ou inefficaces", prévient le Pr Irène Margaritis.
Avec un chiffre d'affaires en France de plus de deux milliards d'euros, selon Synadiet, le secteur global est pourtant en pleine expansion.
"Le business du +boost de l'immunité+ capitalise sur la peur des gens", avance Océane Sorel.
Il existe pourtant d'autres moyens de prévenir les infections hivernales, dont la grippe: la vaccination -"le seul vrai moyen de booster son immunité", soutient la virologue-, mais aussi les gestes barrières, l'aération, et le lavage des mains.
O.M.Jacobs--JdB