Russie: l'opposant Navalny, qui risque 10 ans de prison, jure de "continuer la lutte"
L'opposant emprisonné Alexeï Navalny a juré mardi de poursuivre son combat contre le Kremlin, au premier jour d'un nouveau procès où il encourt dix années de réclusion supplémentaires.
L'an dernier, le mouvement du principal critique du président Vladimir Poutine a été écrasé par les autorités russes, qui ont ordonné son interdiction et lancé de multiples poursuites judiciaires contre ses cadres.
Alexeï Navalny, qui a survécu à un grave empoisonnement en 2020, est apparu dans une salle d'audience de sa colonie pénitentiaire à une centaine de kilomètres de Moscou, tenue de bagnard et cheveux rasés, toujours très amaigri, au côté de ses avocats et de plusieurs gardes.
"Je dis cela à ceux qui sont contre le pillage de la Russie, à ceux qui n'aiment pas Russie Unie (le parti de Vladimir Poutine)", a-t-il affirmé à la cour. "Je vais continuer de lutter."
Lors d'une pause au début de l'audience, l'opposant de 45 ans a pris son épouse Ioulia Navalnaïa dans ses bras et l'a embrassée à plusieurs reprises en souriant, a constaté une journaliste de l'AFP.
L'emprisonnement de M. Navalny a été vivement critiqué par les pays occidentaux et ce nouveau procès risque de raviver les tensions. "Sa condamnation est incompatible avec les principes d'un Etat de droit", a ainsi dénoncé mardi le chancelier allemand Olaf Scholz lors d'un déplacement à Moscou.
- Procès en prison -
Depuis plus d'un an, Alexeï Navalny purge une peine pour une affaire de "fraude" controversée, dans la colonie pénitentiaire N°2 de Pokrov, à 100 km à l'est de Moscou.
C'est depuis cette prison que se tient son procès qui s'est ouvert mardi, une situation dénoncée par l'opposant et ses soutiens, jugeant qu'il s'agit d'un moyen de limiter la publicité des débats.
"Je ne suis pas encore reconnu coupable, mais on me présente en tenue de prisonnier (...) C'est pour que la grand-mère qui regarde la télé se dise que (je) suis déjà de toute façon en prison", a-t-il protesté.
Dans ce procès, les enquêteurs accusent Alexeï Navalny d'avoir détourné plus de 356 millions de roubles (4,1 millions d'euros) de dons versés à ses organisations anti-corruption, des accusations passibles d'une peine de 10 ans de prison.
"J'ai le droit d'enquêter sur la façon dont est volé notre argent !", a-t-il tonné, estimant qu'il n'y avait aucune preuve qu'il ait volé "un seul centime".
Le militant risque également jusqu'à six mois de prison pour outrage au tribunal lors d'une de ses précédentes audiences. Les deux affaires sont jugées lors d'un même procès.
Ses avocats ont demandé mardi à ce qu'il soit vêtu de vêtements civils et que l'audience soit ajournée et transférée vers un tribunal de Moscou, des demandes rejetées par la juge Margarita Kotova.
- "Je n'ai pas peur" -
Son épouse et soutien infaillible, Ioulia Navalnaïa, s'est insurgée lundi contre la "lâcheté" du Kremlin, qualifiant les nouvelles poursuites contre son mari d'"illégales".
En 2020, Alexeï Navalny a passé plusieurs mois en convalescence en Allemagne après avoir survécu de justesse à un empoisonnement par un agent innervant, dont il tient Vladimir Poutine pour responsable.
Il a été arrêté en janvier 2021 à son retour dans son pays et incarcéré dans une affaire de "fraude" datant de 2014. Une condamnation qui a provoqué de nouvelles sanctions occidentales contre Moscou.
En juin 2021, les principales organisations de l'opposant ont, quant à elles, été qualifiées d'"extrémistes" par la justice, décision qui a entraîné leur fermeture et des poursuites contre nombre de leurs militants. Beaucoup d'entre eux sont désormais en exil.
Fin janvier, M. Navalny a lui-même été placé sur la liste des "terroristes et extrémistes". Il fait d'ailleurs l'objet de poursuites pour "création d'une organisation extrémiste", un crime également passible de 10 ans de prison.
L'un des procureurs a réaffirmé mardi que l'opposant avait mené des "activités extrémistes sous prétexte de lutter contre la corruption".
Avec son ironie habituelle, Navalny avait dit en septembre à ses soutiens de ne pas s'inquiéter car il serait "libre au plus tard au printemps 2051."
"Vous allez alourdir ma peine indéfiniment", a-t-il lancé à ses juges mardi. "Mais qu'est-ce qu'on peut y faire ? Ce que font les gens est plus important que le destin d'une seule personne. Je n'ai pas peur."
T.Moens--JdB