Serdar Berdymoukhamedov, l'héritier discret du Turkménistan
Son ascension rapide laissait peu de doute. Prêt à succéder à son père, Serdar Berdymoukhamedov devrait prendre les rênes du Turkménistan, l'un des pays les plus répressifs au monde, mais presque rien n'est connu de cet homme au regard sombre.
Seul fils de Gourbangouly Berdymoukhamedov, qui a également deux filles, Serdar, 40 ans, et sa nomination en tant que candidat à la présidentielle anticipée de mars, annoncée lundi par la télévision d'Etat, sont l'incarnation d'un népotisme décomplexé dans une région, l'Asie centrale, marquée par les régimes autoritaires.
A partir de 2016, il a progressivement été catapulté à tous les postes prestigieux et décisifs de cette ex-république soviétique. Il est notamment "maître" honoraire des races de chevaux et de chiens turkmènes si chères à son fantasque père.
L'année dernière, il a franchi un cap en accomplissant une visite officielle en Russie, l'ancien maître du Turkménistan, et en menant des négociations en tête-à-tête avec le chef de la diplomatie de Pékin, le principal partenaire commercial.
S'il a enchaîné les fonctions à vitesse grand V, la vision politique de Serdar et ses ambitions pour le pays, reclus mais riche en hydrocarbures, restent pour l'heure inconnues.
Regard et costumes austères, cheveux noir de jais, il apparaît rarement souriant en public, contrairement à son père qui, lui, est réputé pour ses apparitions hautes en couleur, au volant de bolides, à cheval, ou faisant du sport en jogging vert.
- Eleveur de chiens -
Né en 1981 à Achkhabad, capitale de ce pays désertique, Serdar Berdymoukhamedov semblait initialement se destiner à une carrière dans l'agriculture. Selon sa biographie officielle, il a dirigé dans sa jeunesse un organe public en charge de la production de bière et de vin sans alcool.
Puis son père, dentiste et ministre de la Santé, est propulsé au pouvoir en 2006 à la mort subite du premier président du Turkménistan, le non moins autoritaire Saparmourat Niazov.
Le jeune Serdar s'oriente alors vers une carrière dans les hautes sphères du pouvoir. De 2008 à 2011, il étudie les relations internationales à Moscou, travaillant en parallèle à l'ambassade turkmène en Russie, une position clé.
Il fera ensuite un crochet par la mission permanente du Turkménistan auprès de l'ONU à Genève (Suisse), toujours selon sa biographie officielle, et travaillera au ministère des Affaires étrangères et dans l'administration présidentielle turkmènes.
Son intronisation officielle en politique remonte à fin 2016, quand il est élu député. Son exposition dans les médias d'Etat va dès lors crescendo.
Son père, au même moment, commence à apparaître à la télévision aux côtés de l'un de ses petit-fils - le fils de Serdar - s'adonnant à la musique ou à l'édification de bonhommes de neige, des activités de bon retraité alimentant encore les rumeurs d'une succession dans les cartons.
En 2018, Berdymoukhamedov junior est réélu député avec un score stalinien de 91% qui rappelle ceux de son père lors des élections présidentielles, dans un pays où il n'existe aucune opposition politique véritable.
Débute alors pour Serdar un enchaînement de postes haut placés : vice-ministre des Affaires étrangères, gouverneur de la région clé de l'Akhal, ministre de l'Industrie, puis, en 2021, vice-Premier ministre, membre du puissant Conseil de sécurité et auditeur financier en chef du pays.
Ces fonctions centrales s'accompagnent également de titres hautement honorifiques.
L'année dernière, il a pris la présidence de l'association nationale des chevaux Akhal-teké, des pur-sang qui font la fierté des Turkmènes et occupent une place centrale dans la mythologie et la propagande du régime.
Toujours en 2021, Serdar Berdymoukhamedov avait reçu le titre "d'honorable éleveur" d'alabaï, des chiens de berger d'Asie centrale, autre animal fétiche du Turkménistan.
R.Verbruggen--JdB