Contestation au Canada: la police dégage l'accès à un pont stratégique
La police canadienne a délogé dimanche les derniers manifestants qui bloquaient le pont Ambassador, axe frontalier névralgique entre le Canada et les Etats-Unis, mais des protestataires demeuraient mobilisés à travers le pays, notamment dans la capitale Ottawa où le mouvement est entré dans sa troisième semaine.
Un important contingent de policiers s'est regroupé aux abords du pont en début de matinée et les forces de l'ordre ont procédé à des arrestations et remorqué des véhicules.
La route menant au pont a été dégagée, mais la circulation n'avait pas été rétablie en fin de matinée.
"Notre crise économique nationale au pont Ambassador a pris fin aujourd'hui", s'est réjoui le maire de Windsor Drew Dilkens, faisant allusion au lourd coût financier du blocus qui durait depuis lundi. Le passage transfrontalier sera rouvert "quand il sera sûr de le faire", a-t-il ajouté, laissant à la police et aux services frontaliers la responsabilité de cette décision.
Le maire a aussi invité, dans un communiqué, les dirigeants fédéraux et provinciaux du pays à "éviter toute rhétorique politique de nature à semer la division", après deux années de restrictions dues à la pandémie.
L'opération avait débuté samedi matin. La police, progressant avec prudence et lenteur, avait fait reculer les manifestants et dégagé une intersection importante, mais tous les protestataires n'avaient pas été évacués en fin de journée.
L'opération a été lancée en vertu d'une décision de la Cour supérieure de l'Ontario, qui avait ordonné vendredi le départ de ces manifestants installés depuis lundi sur cet axe frontalier majeur entre les deux voisins américains, un blocage qui a poussé Washington à intervenir auprès du gouvernement Trudeau.
La fermeture de ce pont a déjà entraîné des perturbations pour l'industrie automobile des deux côtés de la frontière. Plus de 25% des marchandises exportées entre les Etats-Unis et le Canada transitent par ce pont.
- Refus des mesures sanitaires -
Cette contestation au Canada a inspiré d'autres initiatives similaires dans le monde. En France, une partie des convois anti pass vaccinal ont quitté la région parisienne dimanche pour rallier Bruxelles et y manifester lundi, malgré l'interdiction des autorités belges.
Des milliers d'opposants au pass sanitaire ou au président Emmanuel Macron avaient convergé vers Paris pour y manifester la veille, baptisant leur mouvement "convois de la liberté". La manifestation parisienne avait été interdite par la préfecture de police.
Le mouvement de contestation canadien, qui entre dans sa troisième semaine, était parti au départ d'un mouvement de camionneurs protestant contre l'obligation d'être vacciné pour passer la frontière entre le Canada et les Etats-Unis, mais les revendications se sont étendues à un refus de l'ensemble des mesures sanitaires et pour de nombreux manifestants à un rejet du gouvernement de Justin Trudeau.
Des manifestations se sont poursuivies samedi dans plusieurs villes canadiennes, dont Toronto et Montréal et d'autres passages frontaliers demeurent bloqués, dans les provinces du Manitoba et d'Alberta.
Si la situation à Ottawa était plus calme dimanche matin, le mouvement n'a pas faibli dans la capitale canadienne paralysée par les manifestants depuis fin janvier.
Selon la police d'Ottawa, quelque 4.000 manifestants étaient présents dans le centre-ville samedi. La police a précisé dans un communique que certains d'entre eux avaient fait preuve d'agressivité. Elle a également répété qu'elle avait des moyens limités pour faire face à cette situation, qui a amené les autorités de la ville et de la province de l'Ontario à décréter l'état d'urgence.
Dimanche matin, les premiers manifestants arrivaient, drapeaux canadiens au poing, dans un Ottawa ensoleillé mais froid. Le mercure flirtait avec les moins 20 degrés Celsius tôt dans la matinée.
"C'est incroyable l'amour ici. C'est pacifique", a confié à l'AFP Vanessa Turgeon, 38 ans originaire de Colombie Britannique et travaillant dans l'agriculture. "Ça fait du bien de ne plus se sentir rejetée et discriminée", a-t-elle affirmé.
Pour Rosie Albert, une Québécoise de 34 ans, arrivée dans la capitale le 28 janvier, "c'est comme si on venait de rencontrer une grande famille".
"Je n'ai jamais vu autant une atmosphère vibrer et autant d'amour, d'amitié, d'entraide: c'est juste incroyable", dit-elle, tout en reconnaissant que "ça ne peut pas continuer comme ça".
P.Mathieu--JdB