

Turquie : l'opposition appelle à de nouveaux rassemblements
L'opposition turque a appelé à de nouveaux rassemblements samedi soir en soutien au maire d'opposition d'Istanbul, Ekrem Imamoglu, qui sera présenté à un procureur en début de soirée au quatrième jour de sa garde à vue.
L'édile, accusé de "corruption" et de "terrorisme", a été de nouveau entendu cinq heures durant par la police samedi et sera déféré à 19H30 (16H30 GMT) devant ce procureur qui décidera des suites de sa garde à vue prévue pour expirer dimanche matin, ont annoncé ses équipes.
Les principaux accès au palais de justice ont été préventivement fermés afin d'empêcher les rassemblements, a annoncé le gouvernorat d'Istanbul qui avait dès mercredi interdit les manifestations jusqu'à dimanche.
L'opposition a donc appelé pour le quatrième soir consécutif à converger en direction du siège de la municipalité d'Istanbul.
Des manifestations sont également annoncées dans de nombreuses autres villes du pays; elles ont été également interdites à Izmir, la troisième plus importante agglomération de Turquie (ouest), et à Ankara, la capitale.
Au total, des rassemblements se sont déroulés depuis mercredi dans au moins 55 des 81 provinces turques, soit plus des deux tiers du pays, selon un décompte de l'AFP.
Témoignage de l'ampleur de la contestation déclenchée par l'arrestation de M. Imamoglu, la police a procédé à 343 arrestations pendant et après les grandes manifestations de vendredi dans neuf villes dont Istanbul, Izmir, Ankara, Edirne et Çanakkale dans le nord-ouest et Adana et Antalya dans le sud, selon le ministre de l'Intérieur, Ali Yerlikaya.
- "Chaos et provocation" -
"Ceux qui cherchent le chaos et la provocation ne seront pas tolérés", a-t-il mis en garde sur X.
Interpellé mercredi à l'aube à son domicile, Ekrem Imamoglu, 53 ans, a été entendu samedi par la police pour des accusations de "soutien à une organisation terroriste", après l'avoir été la veille pour des soupçons de "corruption".
Son parti, le CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate), a appelé à de nouvelles manifestations samedi soir devant le siège de la municipalité d'Istanbul, la capitale économique.
"Si les gens ne lâchent rien, ça débouchera peut-être sur quelque chose de positif", a déclaré à l'AFP Ara Yildirim, un étudiant en médecine d'Istanbul âgé de 20 ans, mobilisé comme beaucoup d'autres jeunes Turcs.
"Rien ne peut justifier de confisquer la volonté de millions de Stambouliotes", a affirmé Meral Danis Bestas, une députée du parti prokurde DEM.
Ce dernier a dénoncé le recours à des "témoins secrets de manière abusive" et s'insurge de voir des "procès-verbaux de témoignages non signés divulgués dans la presse", estimant que les droits de la défense et "le droit à un procès équitable (ont) été violés".
Les accusations de "soutien au terrorisme" font redouter aux partisans du maire qu'il puisse être incarcéré à l'issue de sa garde à vue et remplacé par un administrateur nommé par l'État.
- "Une Turquie juste" -
Dans un message posté sur X par ses avocats, Ekrem Imamoglu a remercié ses compatriotes qui ont manifesté par dizaines de milliers.
"Vous défendez notre République, la démocratie, l'avenir d'une Turquie juste et la volonté de notre nation", a-t-il écrit.
Le président du CHP, Özgür Özel, a assuré que 300.000 personnes étaient descendues dans les rues à Istanbul vendredi soir.
Plusieurs incidents ont éclaté entre manifestants et policiers, qui ont fait usage d'importantes quantités de gaz lacrymogène et de canons à eau à Izmir et Ankara, ont constaté les correspondants de l'AFP.
À Istanbul, où la police a tiré des balles en plastique en direction de manifestants, des journalistes ont été blessés dans des échauffourées. Leur syndicat, le TGS, a dénoncé leur "ciblage" dans un communiqué accompagné du nom des blessés.
Ekrem Imamoglu est devenu la bête noire du président Recep Tayyip Erdogan, qui fut lui-même maire d'Istanbul dans les années 90, quand il a ravi en 2019 cette municipalité au parti AKP du chef de l'Etat.
L'édile, triomphalement réélu l'an passé, devait être désigné dimanche candidat de son parti à la présidentielle, prévue pour 2028.
Le CHP a décidé de maintenir l'organisation de cette primaire et appelé tous les Turcs, même non inscrits au parti, à y prendre part.
R.Cornelis--JdB