

Violences en Syrie: la commission d'enquête "déterminée" à faire justice
La commission d'enquête mandatée par la présidence syrienne pour enquêter sur les violences dans l'ouest du pays a affirmé mardi sa détermination à garantir la justice et à prévenir les représailles extrajudiciaires, après la mort de plus de 1.000 civils dans un bastion de l'ex-président Bachar al-Assad.
Les tensions ont commencé le 6 mars dans un village à majorité alaouite de la province de Lattaquié, après l'arrestation d'une personne recherchée par les forces de sécurité.
La situation a rapidement dégénéré en affrontements lorsque des hommes armés de la minorité musulmane alaouite, que les autorités ont qualifiés d'hommes fidèles au président déchu Bachar al-Assad, ont ouvert le feu sur plusieurs positions des forces de sécurité.
L'OSDH a ensuite rapporté des "exécutions sommaires" visant notamment des civils issus de la communauté alaouite, à laquelle appartenait Assad.
Depuis jeudi, l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) a recensé au moins 1.093 civils tués, en grande majorité alaouites, aux mains des "forces de sécurité et de groupes affiliés", essentiellement dans les provinces de Lattaquié et de Tartous.
"La +Nouvelle Syrie+ est déterminée à garantir la justice, à faire prévaloir l'état de droit, à protéger les droits et libertés de ses citoyens, empêcher toutes représailles extrajudiciaires et à garantir l'absence d'impunité", a déclaré mardi le porte-parole de la commission d'enquête, Yasser al-Farhane, lors d'une conférence de presse à Damas.
Ces violences, les pires depuis l'arrivée au pouvoir le 8 décembre d'une coalition menée par le groupe islamiste radical sunnite Hayat Tahrir al-Cham (HTS) menacent la stabilité du pays, où le président par intérim, Ahmad al-Chareh, cherche à asseoir son autorité sur l'ensemble du territoire, après 13 ans de guerre civile sous Bachar al-Assad.
- "Exactions" -
La commission, qui doit remettre son rapport à la présidence dans un délai de 30 jours, s'emploiera à "collecter et examiner toutes les preuves et rapports disponibles", a assuré M. Farhane.
Elle s'entretiendra avec "les témoins et toute personne susceptible d'aider, et de définir les lieux à inspecter", a-t-il ajouté, précisant que "les vidéos seront examinées avec des spécialistes".
"Toute personne que la commission jugera impliquée ou suspectée (...) sera déférée devant la justice."
Des habitants de la côte ouest syrienne ont fait part à l'AFP d'affrontements violents et d'assassinats. L'OSDH et des militants ont diffusé des vidéos d'exécutions de personnes non armées, en civil, et d'autres où des dizaines de corps sont entassés dans la cour d'une maison.
L'AFP n'a pas pu vérifier ces images de manière indépendante.
Les autorités ont annoncé l'arrestation d'au moins sept personnes depuis lundi, accusées d'avoir commis des "exactions" contre des civils, et les ont déférées devant la justice militaire compétente.
- "Familles entières" -
Le porte-parole du Haut-Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme, Thameen Al-Kheetan, a appelé mardi à faire cesser "les souffrances" des populations dans l'ouest du pays.
Les Nations unies ont documenté jusqu'à présent la mort de 111 civils, mais reconnaissent que le bilan réel est certainement "significativement plus élevé".
Ces écarts de bilans sont communs, l'ONU suivant une procédure de vérification très stricte qui prend du temps.
"Selon de nombreux témoignages recueillis par notre Bureau, les auteurs ont fait des descentes dans les maisons, demandant aux résidents s'ils étaient alaouites ou sunnites avant de les tuer ou de les épargner en fonction de leur réponse", a raconté M. Kheetan ajoutant que dans certains cas, des "familles entières" avaient été tuées.
Human Rights Watch (HRW) a appelé le gouvernement à "agir de manière rapide et sans équivoque pour protéger les civils et poursuivre les auteurs".
"Toutes les parties, y compris des groupes comme HTS et l'Armée nationale syrienne soutenue par la Turquie, qui constituent désormais les nouvelles forces de sécurité syriennes, doivent rendre des comptes", a appelé l'ONG.
HRW exhorte en outre "les nouveaux dirigeants de la Syrie à coopérer pleinement avec des observateurs indépendants, dont (...) la Commission d'enquête des Nations unies sur la Syrie, et veiller à ce qu'ils aient un accès sans entrave".
E.Carlier--JdB