Journal De Bruxelles - Rotherham, ville anglaise encore meurtrie par l'affaire des gangs pédocriminels

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Rotherham, ville anglaise encore meurtrie par l'affaire des gangs pédocriminels
Rotherham, ville anglaise encore meurtrie par l'affaire des gangs pédocriminels / Photo: James PHEBY - AFP/Archives

Rotherham, ville anglaise encore meurtrie par l'affaire des gangs pédocriminels

Autrefois réputée pour son industrie sidérurgique, la ville anglaise de Rotherham est désormais connue comme l'épicentre d'une affaire de viols et d'exploitation sexuelle remontant aux années 1990, qui continue à inspirer honte et colère à ses habitants.

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Le sujet est revenu sur le devant de la scène récemment, quand le milliardaire Elon Musk s'est attaqué de manière virulente sur sa plateforme X au gouvernement britannique, mis en cause pour avoir refusé d'ordonner une nouvelle enquête publique nationale sur ces affaires.

Pendant plusieurs décennies, dans plusieurs villes anglaises, des groupes d'hommes majoritairement d'origine pakistanaise s'en sont pris à des filles et jeunes filles, pour la plupart blanches et issues de milieux défavorisés. Plus d'une centaine d'hommes ont été condamnés lors de plusieurs procès, et les victimes sont estimées à plusieurs milliers.

Pour Jayne Senior, le problème est toujours d'actualité. "Je pense que cela continue, dans toutes les villes à travers le Royaume-Uni", dit à l'AFP cette lanceuse d'alerte qui a contribué à faire émerger le scandale.

- "Sévices effroyables" -

Elle a pendant plusieurs années été responsable de Risky Business, un programme d'aide aux jeunes exposés au risque d'exploitation sexuelle, mis en place en 1997 par les autorités de Rotherham. Dans cette ville du Yorkshire (centre), quelque 1.400 filles et jeunes filles ont été victimes de gangs pédocriminels entre 1997 et 2013, selon le rapport d'une enquête publique.

L'équipe de travailleurs sociaux a aidé quelque 1.900 filles et 100 garçons tombés entre les mains de ces criminels.

"Il s'agissait de torture physique, mentale, de traite d'êtres humains et de sévices absolument effroyables", explique-t-elle.

Au départ, son organisation voyait arriver des "jeunes de 15-16 ans, puis, à partir de 2012, des enfants de 12 ans", dit-elle.

"Nous avons transmis (à la police) les numéros de téléphone, les plaques d'immatriculation, les descriptions physiques, les noms, les dates de naissance de ceux que nous soupçonnions de faire du mal, de violer, d'exploiter nos enfants", souligne-t-elle. Mais il y a eu "très peu de réaction", s'indigne-t-elle.

Rotherham a été durement touchée par le déclin de la sidérurgie ces dernières décennies, et plus d'un commerce sur quatre est vacant en centre-ville. La ville a été un théâtre d'émeutes anti-immigration à l'été dernier.

Et le traumatisme lié à l'affaire des gangs pédocriminels est vivace.

"C'est arrivé à la fille d'une amie, et cela a complètement détruit sa santé mentale", témoigne Sandra Shirtliffe, 59 ans.

A l'extérieur du salon de coiffure dans lequel elle travaille, Claire, 50 ans, raconte à l'AFP qu'elle connaît une victime, Sarah Wilson. "Elle vient ici pour se faire couper les cheveux", dit-elle.

Cette dernière, qui a écrit un livre en 2015 pour raconter son calvaire, est tombée entre les mains d'un gang pédocriminel à l'âge de 11 ans, par l'intermédiaire d'une adolescente. Sarah Wilson était alors vulnérable, harcelée à l'école. Elle a été violée par des dizaines d'hommes à de multiples reprises, est devenue accro aux drogues.

Sa soeur a été tuée par son petit ami d'origine pakistanaise qui, selon le juge qui l'a condamné, considérait les filles blanches comme des "cibles sexuelles".

- "Vie détruite" -

Jayne Senior n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi la police n'a pas donné suite à ses signalements.

"Dans des réunions, j'ai entendu affirmer que ces enfants étaient consentantes. Comment des enfants peuvent consentir à des viols collectifs, ça je n'en ai aucune idée. Ou alors j'entendais qu'elles étaient engagées dans des relations, vous voyez le genre de relations entre des enfants de 12 ans et des hommes de 30 ans!"

"La vie est détruite à Rotherham", lâche Ralph Spooner, un ancien mineur âgé de 80 ans, rencontré dans le marché couvert de la ville.

"Il y a beaucoup de colère chez les habitants", poursuit-il. Il aimerait voir les responsables qui ont ignoré ce scandale "répondre sous serment" dans le cadre d'une enquête publique nationale.

Jayne Senior aussi réclame une vaste enquête à l'échelle nationale. Ce à quoi le gouvernement actuel dirigé par le travailliste Keir Starmer se refuse, optant pour le lancement d'une série d'enquêtes publiques au niveau local.

Une enquête menée en 2014 sur le sujet à Rotherham a mis en évidence des "manquements flagrants" de la part des autorités. "Pas un seul professionnel de haut rang à Rotherham n'a jamais eu à rendre des comptes", s'indigne Jayne Senior.

"Pourquoi a-t-on permis que cela se produise? Pourquoi personne n'a fait quoi que ce soit? Beaucoup de ces victimes et survivantes n'ont toujours pas de réponse".

J.M.Gillet--JdB