Birmanie: quatre ans après le coup d'Etat, l'accès à l'électricité plus si courant
"Comment peut-on vivre comme ça ?": à Rangoun, capitale économique de la Birmanie, les coupures de courant provoquées par le conflit civil empoisonnent le quotidien des habitants, en quête de solutions alternatives.
Dans son quartier, Aung Bo Bo dispose de huit heures d'électricité en journée et quatre en soirée, réparties par les autorités en fonction d'un calendrier de rationnement qui ignore son rythme d'employé de bureau.
"Nous devons nous réveiller à minuit pour cuisiner", se plaint-il.
"Nous manquons de sommeil", poursuit cet homme de 39 ans.
En soirée, "on a besoin de se reposer, mais il n'y pas d'électricité et il fait très chaud dans la pièce", renchérit de son côté Yin Kay Thwe, femme au foyer de 31 ans.
"Comment peut-on vivre comme ça ?", s'interroge-t-elle.
Les principales villes de Birmanie subissent des coupures récurrentes de courant du fait de l'insuffisance de l'offre, exacerbée par le conflit qui oppose l'armée à différents groupes armés ethniques et prodémocratie depuis le coup d'Etat du 1er février 2021.
Les combats ont tué plus de 6.000 civils et provoqué le déplacement de 3,5 millions de personnes, selon les Nations Unies.
La pénurie frappe aussi les commerces et usines, rares moteurs d'une économie en berne, qui subissent en même temps la hausse du prix de l'essence, nécessaire au fonctionnement des groupes électrogènes utilisés en cas de coupure.
- Potentiel -
"C'est un problème majeur pour nous. On ne peut faire aucun bénéfice", déplore auprès de l'AFP un hôtelier qui assure qu'à Bagan, joyau du patrimoine birman, "la plupart des hôtels ont fermé à cause de difficultés liées à l'électricité."
La Birmanie dispose d'un important potentiel hydroélectrique et solaire, de ressources en pétrole, en gaz et en charbon, ce qui en fait un pays mieux pourvu que ses voisins pour répondre à ses besoins en énergie, a noté la Banque mondiale en juin 2024.
Mais l'offre est loin de répondre à la demande, entre infrastructures vieillissantes, politiques inadaptées et sous-financement, dans un pays morcelé où une myriade de groupes a pris les armes contre les généraux au pouvoir.
La junte a accusé ses adversaires d'avoir détruit 559 tours de télécommunications et pylônes électriques durant les trois années qui ont suivi le putsch, a relayé un média d'Etat birman.
- Solaire -
Aujourd'hui, la Birmanie dépend principalement de barrages hydroélectriques. Mais en augmentant l'intensité de production sur des sites de plus en plus vétustes, le pays s'expose à des risques de sécurité, d'après la Banque mondiale.
Selon un rapport du ministère de l'Energie électrique publié en janvier, le réseau ne peut en temps normal fournir que 4.000 mégawatts par jour sur les 7.000 de capacités installées.
Seuls 48% de la population avaient de l'électricité fin 2024 d'après les Nations unies, soit le taux le plus faible d'Asie.
La junte a promis de développer les énergies renouvelables, notamment le solaire, avec le soutien de la Chine, qui connaît la hausse la plus fulgurante en matière d'installation de capacités renouvelables dans le monde ces dernières années. Pékin est également l'un des principaux fournisseurs d'armes de Naypyidaw.
Zaw Htay Aung, 25 ans, directeur de la société Sun Solar Myanmar, a constaté que de plus en plus de ménages installaient des panneaux solaires, pour un prix de base autour de 570 dollars.
Aung Ko Gyi, un habitant de Rangoun, s'est rendu à la plus grande exposition sur l'énergie solaire de Birmanie, début janvier, pour trouver un kit solaire qui puisse prendre le relais lors des coupures.
"J'ai besoin d'une alimentation électrique pour la nuit, pour utiliser un ordinateur et me connecter à internet", déclare à l'AFP l'homme de 64 ans.
"Ca ne fait pas de bruit et ça vient de la nature (...) Les panneaux solaires sont plus chers au début, mais c'est la meilleure option à long terme", estime-t-il.
F.Dubois--JdB