Est de la RDC: maître à Goma, le M23 ouvre un nouveau front
Le M23 a ouvert mercredi un nouveau front dans l'est de la RDC après avoir pris le contrôle de Goma, grande ville de plus d'un million d'habitants, à l'issue d'une offensive éclair de quelques semaines au côté de troupes rwandaises.
L'avancée fulgurante du groupe armé antigouvernemental et des forces rwandaise a provoqué de nombreux appels de la communauté internationale à cessez les combats. L'ONU, les Etats-Unis, la Chine, l'Union européenne et l'Angola ont demandé au Rwanda de retirer ses troupes. Le Pape a dit prier "pour le rétablissement de la paix et de la sécurité".
"Aujourd'hui, on n'a pas peur. Le problème, c'est le manque d'eau, d'internet et de courant", dit Jean de Dieu, un habitant joint par l'AFP au téléphone.
"Il y a la faim à Goma. Il faut aller puiser l'eau au lac et nous sommes sans médicaments", renchérit Kahindo Sifa. Les bombardements ont endommagé les infrastructures de la ville qui compte des centaines de milliers de déplacés entassés dans des camps.
"Il n'y a pas eu de combats", assure un représentant de la société civile sous couvert d'anonymat. Plusieurs habitants des deux villages, joints par téléphone, ont confirmé la prise de ces localités.
Selon Vincent Karega, ambassadeur itinérant du Rwanda pour la région des Grands lacs, interrogé mercredi par l'AFP, le M23 "va continuer" d'avancer dans l'est de la RDC, voire au-delà, et pourrait même aller prendre le pouvoir à Kinshasa.
Avec cette nouvelle avancée, que ni l'armée congolaise, ni le gouvernement de Kinshasa n'ont confirmée, la capitale provinciale de Bukavu et l'aérodrome de Kavumu pourraient se retrouver menacés.
- Corps gisants -
Muré dans le silence depuis le début de l'offensive sur Goma, M. Tshisekedi doit s'adresser mercredi à la nation, selon la télévision nationale. A 20H30 GMT, il n'avait toujours pas pris la parole.
Son gouvernement a dénoncé une "déclaration de guerre du Rwanda" et assuré vouloir "éviter le carnage". Mais une nouvelle tentative diplomatique a échoué mercredi lorsque Félix Tshisekedi a refusé de participer à une réunion, convoquée par le Kenya, avec son homologue rwandais Paul Kagame.
Mi-décembre, une rencontre Tshisekedi-Kagame dans le cadre d'une médiation angolaise avait été annulée en dernière minute. M. Tshisekedi était venu mais pas M. Kagame. Le M23, qui contrôlait déjà de larges pans du Nord-Kivu, a ensuite continué d'avancer vers Goma.
Les derniers affrontements ont aussi aggravé la crise humanitaire dans la région, secouée depuis trois décennies par les violences de groupes armés en partie soutenus par des pays voisins.
Selon l'ONU, plus d'un demi-million de personnes ont été déplacées depuis début janvier par les combats. Les affrontements à Goma ont également fait plus de 100 morts et près d'un millier de blessés ces trois derniers jours, selon les hôpitaux.
Dans les rues, beaucoup de corps gisent encore au sol, ont constaté des journalistes de l'AFP et des habitants. Des cartouches restent sur la chaussée. Une jeep des forces congolaises (FARDC) est abandonnée sur un trottoir près de ce qui était leur QG régional.
Dans la matinée, une longue colonne de plusieurs centaines de soldats congolais et miliciens pro-Kinshasa, désarmés et bandeau blanc sur la tête, a été conduite vers le centre-ville, encadrée par des troupes du M23.
- Quitter la RDC -
Le M23 avait affirmé dès dimanche avoir pris Goma, mais des combats se sont poursuivis jusqu'à mardi.
Les cadres du M23 ("Mouvement du 23 mars"), qui devaient s'exprimer devant la presse dans la journée ont annoncé qu'ils repoussaient cette écheance.
La crise est allée toucher mardi la capitale, Kinshasa, à l'autre bout de l'immense pays d'Afrique centrale.
Des manifestants en colère ont attaqué plusieurs ambassades, dont celle du Rwanda, mais aussi de la France, de la Belgique et des Etats-Unis, pays critiqués pour leur inaction dans cette crise.
Les Etats-Unis ont ordonné le départ des "employés non essentiels" du gouvernement américain. La Belgique a déconseillé de se rendre en RDC et la compagnie aérienne Brussels Airlines a suspendu sa desserte de Kinshasa.
Les autorités locales ont suspendu les manifestations après de nouveaux appels à descendre dans la rue.
Kinshasa accuse Kigali de vouloir mettre la main sur les nombreuses richesses naturelles de l'est de la RDC. Le Rwanda dément et dénonce la présence en RDC de groupes armés hostiles. La résurgence du M23 en 2021 a également été en partie nourrie par une autre rivalité stratégique, entre le Rwanda et l'Ouganda.
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D.Mertens--JdB