Les voisins de l'aéroport d'Heathrow combatifs face à sa possible extension
Dans le village de Harmondsworth, à l'ouest de Londres, les voisins de l'aéroport d'Heathrow encaissent le coup mercredi après l'approbation de son extension par le gouvernement britannique, à laquelle ils comptent bien s'opposer pour sauver leurs maisons.
S'il obtient tous les feux verts, l'aéroport s'étendra jusqu'à quelques mètres du jardin soigné de Justine Bayley, 74 ans, dans lequel sont plantées des pancartes vertes contre l'agrandissement d'Heathrow.
"Je devrais mettre mon casque antibruit chaque fois que j'ouvre la porte de chez moi", soupire-t-elle auprès de l'AFP.
A environ une heure de train de Londres, Harmondsworth a tout du paisible village anglais avec son église du XIIe siècle, ses pubs et ses espaces verts.
Mais la quiétude de ses 1.500 habitants et de ceux du hameau voisin de Longford, déjà perturbée par le ballet des avions au-dessus de leurs têtes, est suspendue à l'agrandissement de ce voisin de plus en plus envahissant.
Pour remettre le Royaume-Uni sur la voie de la croissance, la ministre britannique des Finances Rachel Reeves a annoncé mercredi que le gouvernement soutenait la construction d'une troisième piste d'atterrissage à Heathrow, aéroport le plus fréquenté d'Europe.
Le gouvernement travailliste de Keir Starmer espère que ce projet, décrié par les organisations écologistes et une partie de son propre camp, permettra de relancer une activité économique atone.
De précédents plans d'extension, qui n'ont pas abouti, prévoyaient de détruire au bulldozer des centaines de maisons des villages de Harmondsworth et de Longford.
"Beaucoup de gens vivent ici depuis plus de 50 ans. Leur histoire, leurs souvenirs sont liés à leurs maisons", souligne Justine Bayley, qui préside le groupe "Stop à l'expansion d'Heathrow".
Leon Jennion, 55 ans, vit à Longford depuis trois décennies. Sa maison tremble lorsque les avions décollent et atterrissent, et leur bruit couvre celui des conversations dans son jardin.
"On entend les assiettes tinter dans les placards, les bibelots bouger sur les étagères et les portes claquer sous l'effet des vibrations", décrit-il à l'AFP.
- 20 ans d'incertitude -
"C'est dérangeant", reconnaît ce père de famille qui, comme beaucoup d'habitants, travaille sur la zone de l'aéroport.
Sa maison sera certainement démolie si une troisième piste est bâtie, ce qui le rendrait "très triste" mais qui, en même temps, mettrait fin à deux décennies d'incertitudes pour les voisins d'Heathrow. "Je n'en peux plus d'avoir cette menace qui pèse", reconnaît-il.
Ces dernières années, les plans d'agrandissement de l'aéroport se sont heurtés à de multiples recours juridiques et oppositions politiques.
Fin 2020, à l'issue d'une saga judiciaire, la Cour suprême avait statué en faveur d'une troisième piste. Mais le projet a depuis été retardé par l'épidémie de Covid-19.
Devant le pub The Five Bells, Fletcher Rodger, étudiant de 18 ans, a quant à lui des "sentiments mitigés".
"Si cela génère de la croissance comme le gouvernement le promet, je dois dire que ça ne me dérange pas trop. Il y a toujours des gagnants et des perdants", déclare-t-il.
Hylton Garriock, qui fait campagne avec un sweat rouge au nom de l'organisation "Stop à l'extension d'Heathrow", s'inquiète de la pollution que génèrera l'augmentation du nombre de vols.
"Il faut savoir respecter les limites. Améliorez Heathrow mais ne l'agrandissez pas", plaide cet homme de 63 ans.
"Je ne veux pas déménager. J'ai vécu ici plus longtemps que partout ailleurs dans ma vie", abonde Justine Bayley, dans sa maison du XVIe siècle aux fenêtres bardées d'affiches "Non à une troisième piste".
Son organisation "n'a perdu aucune bataille jusque-là, et nous n'avons pas l'intention de perdre celle-là" non plus, affirme-t-elle.
E.Janssens--JdB