Israël bombarde Gaza et accuse le Hamas de remettre en cause l'accord de trêve
Israël a bombardé jeudi la bande de Gaza et accusé le Hamas de reculer sur l'accord de cessez-le-feu annoncé la veille pour mettre fin à 15 mois de guerre, qui doit encore être approuvé par le gouvernement.
La trêve, annoncée mercredi par le Qatar et les Etats-Unis, doit prendre effet dimanche et prévoit dans une première phase de six semaines la libération de 33 otages retenus dans le territoire palestinien, en échange d'un millier de prisonniers palestiniens détenus par Israël.
La fin définitive de la guerre sera négociée durant cette première phase.
Le cabinet de sécurité, qui doit approuver l'accord avant un vote en conseil des ministres, ne se réunira pas tant qu'il n'aura par obtenu des garanties des pays médiateurs que le Hamas "a accepté tous les éléments de l'accord", a indiqué jeudi ce bureau.
Un haut dirigeant du Hamas, Sami Abou Zouhri, a rejeté les accusations israéliennes.
Le mouvement islamiste a aussi averti que "toute agression, tout bombardement" israélien sur Gaza mettait les otages en danger.
Dans la bande de Gaza, où l'annonce de la trêve avait déclenché des scènes de joie, les habitants ont découvert jeudi matin des colonnes de fumée, des débris et des corps dans des linceuls, après des frappes israéliennes qui ont fait 81 morts en 24 heures, selon le ministère de la Santé du Hamas.
La Défense civile a fait état d'une "forte intensification" des bombardements et l'armée a déclaré avoir frappé environ "50 cibles" en 24 heures.
- "Les avions dans le ciel" -
"Nous attendions la trêve. C'était la nuit la plus joyeuse depuis l'attaque du 7 octobre" 2023, a confié Saïd Allouch, qui a perdu des proches dans une frappe à Jabalia, dans le nord de Gaza.
"Les tirs n'ont pas cessé, les avions sont toujours dans le ciel et la situation est difficile", a raconté Mahmoud al-Qarnawi, un habitant du camp de réfugiés d'Al-Bureij, dans le centre du territoire.
En Israël, l'annonce de l'accord a suscité des réactions prudentes.
"Nous avons un peu peur que l'accord tombe à l'eau, mais nous restons positifs", a réagi Yulia Kedem, une habitante de Tel-Aviv. Dans la grande ville du centre d'Israël, lampadaires et bancs publics étaient recouverts d'autocollants saluant la mémoire de soldats tués ou d'otages.
Le ministre des Finances Bezalel Smotrich, d'extrême droite, a dénoncé un accord "dangereux" et affirmé que les ministres de son parti voteraient contre.
La guerre, qui a provoqué à Gaza un niveau de destructions "sans précédent dans l'histoire récente", selon l'ONU, avait été déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du Hamas sur le sol israélien.
Au moins 46.788 personnes, en majorité des civils, ont été tuées dans la campagne militaire israélienne de représailles dans la bande de Gaza, selon les données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
L'accord doit entrer en vigueur dimanche pour une première phase comprenant "un cessez-le-feu total", selon le président américain Joe Biden, la libération de 33 otages, parmi lesquels des femmes, des enfants et des personnes âgées, un retrait israélien des zones densément peuplées et une augmentation de l'aide humanitaire.
Israël avait précédemment déclaré qu'il libérerait environ 1.000 prisonniers palestiniens lors de cette première phase.
La deuxième phase doit permettre la libération des derniers otages et un retrait complet israélien de Gaza, a dit M. Biden.
- L'après-guerre en suspens -
La troisième et dernière étape doit être consacrée à la reconstruction de Gaza et à la restitution des corps des otages morts en captivité.
Un mécanisme de suivi "sera mis en place au Caire, géré par l'Egypte, le Qatar et les Etats-Unis", les trois pays médiateurs, selon le Premier ministre du Qatar, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani.
Pendant la première phase seront négociées les modalités de la deuxième phase, à savoir "une fin définitive de la guerre", a-t-il ajouté.
L'Egypte a appelé jeudi à la mise en oeuvre "sans délai" de l'accord et s'est dite prête à accueillir une conférence internationale sur la reconstruction de Gaza.
Déjà minée par un blocus israélien imposé depuis 2007, la pauvreté et le chômage, la bande de Gaza assiégée a été ravagée par la guerre et la quasi-totalité de ses 2,4 millions d'habitants ont été déplacés.
L'Union européenne a annoncé jeudi l'octroi d'une aide humanitaire de 120 millions d'euros pour faire face à la "situation catastrophique" dans le territoire.
S'il vise à faire taire les armes, le cessez-le-feu laisse en suspens l'avenir politique de Gaza, où le Hamas s'est emparé du pouvoir en 2007.
Pilonné pendant 15 mois par l'armée israélienne, le mouvement islamiste apparaît très diminué mais encore loin d'être anéanti, contrairement à l'objectif qu'avait fixé Benjamin Netanyahu.
R.Cornelis--JdB