Corée du Sud: les soutiens de Yoon campent toujours devant chez lui pour bloquer son arrestation
Des centaines du partisans du président sud-coréen déchu Yoon Suk Yeol campent toujours mercredi devant son domicile, se tenant prêts à entraver toute nouvelle tentative de l'arrêter après le renouvellement la veille du mandat à son encontre.
L'ex-procureur vedette, qui n'a pas été vu en public depuis des semaines, a échappé à une première tentative d'arrestation vendredi, vraisemblablement réfugié derrière quelque 200 éléments de sa garde rapprochée qui ont tenu en échec les équipes venues l'appréhender, forcées de battre en retraite.
Mais cette fois, les enquêteurs auront l'aide de la police qui, bien qu'ayant refusé d'appliquer elle-même le mandat, a dit qu'elle arrêterait tout agent du Service de sécurité présidentiel (PSS) faisant obstruction.
Le Bureau d'enquête sur la corruption des hautes-personnalités (CIO), qui centralise les investigations contre M. Yoon pour son éphémère loi martiale de début décembre, a vu son mandat d'arrêt renouvelé par la justice mardi.
"Nous allons nous préparer minutieusement pour l'exécution du deuxième mandat, avec la ferme détermination qu'il s'agit du dernier", a lancé le chef de cette agence, Oh Dong-woon, lors d'une audition devant des parlementaires.
- Rumeurs d'évasion -
Interrogé par un élu sur la possibilité que Yoon Suk Yeol "se cache ou se soit échappé", M. Oh a répondu que c'était effectivement envisageable.
"La nuit dernière, je me suis rendu personnellement à la résidence officielle, ai rencontré le président et suis parti", a démenti mercredi Yoon Kab-keun, l'un des avocats de M. Yoon, fustigeant des "rumeurs malveillantes".
En tout cas, inconditionnels soutiens et opposants résolus tiennent leurs positions devant chez lui depuis des jours, malgré le froid glacial, les uns appelant à l'annulation de sa destitution par le Parlement, les autres exigeant son arrestation immédiate.
Son domicile "est en train de ", a dénoncé le député de l'opposition Youn Kun-yung.
Un journaliste de l'AFP a vu des gardes marcher derrière des rangées de bus et les portails d'entrée hérissés de barbelés.
La situation est "grave" pour M. Yoon, déclare Jang Yong-hoon, un partisan de 30 ans. "Mais (...) je crois que nous pourrons empêcher son arrestation", poursuit-il, alors que d'autres soutiens ont déposé des rubans "Make Korea Great Again", reprenant le slogan "Make America Great Again" de Donald Trump.
- Enquêteurs inexpérimentés -
Yoon Suk Yeol avait sidéré le pays le 3 décembre en proclamant par surprise la loi martiale et en envoyant l'armée au Parlement pour le réduire au silence.
Un nombre suffisant de députés était parvenu à tenir une séance d'urgence et à voter un texte exigeant la levée de cet état d'exception, alors que des milliers de manifestants prodémocratie criaient leur indignation à l'extérieur.
Sous la pression des élus, de la rue et contraint par la Constitution, M. Yoon avait dû faire marche arrière.
Il a été destitué par l'Assemblée nationale le 14 décembre et se trouve depuis suspendu, dans l'attente que la Cour constitutionnelle confirme ou infirme la décision des députés. Elle a pour ce faire jusqu'à la mi-juin.
D'ici au verdict, Yoon Suk Yeol reste officiellement le président du pays. Son éventuelle arrestation serait donc une première pour un chef de l'Etat sud-coréen en exercice.
Il est par ailleurs visé par plusieurs enquêtes, dont une pour "rébellion", un crime passible de la peine de mort, et accusé d'"abus d'autorité", passible de cinq ans de prison.
Yoon Suk Yeol a lui juré il y a une semaine qu'il se battrait "jusqu'au bout".
Ses avocats contestent la légalité du mandat d'arrêt contre lui et la compétence du CIO, arguant que le crime de "rébellion" ne figure pas dans la liste des infractions sur lesquelles l'agence peut enquêter.
Pour Yun Bok-nam, président de l'association Avocats pour une société démocratique, l'échec de la première tentative d'arrestation du président déchu s'explique surtout par l'inexpérience du CIO, qui n'a que quatre ans d'existence, compte moins de 100 employés et n'a jamais inculpé personne à ce stade.
"Naturellement, ils n'ont aucune expérience des arrestations, à plus forte raison de l'arrestation d'un président", souligne Me Yun. "La coopération de la police est essentielle", estime-t-il.
A.Thys--JdB