Journal De Bruxelles - En Ukraine, des exilés font revivre Bakhmout le temps de Noël

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En Ukraine, des exilés font revivre Bakhmout le temps de Noël
En Ukraine, des exilés font revivre Bakhmout le temps de Noël / Photo: Anatolii STEPANOV - AFP

En Ukraine, des exilés font revivre Bakhmout le temps de Noël

Anna Holoubtsova se prépare à chanter pour un concert de Noël à Kiev destiné aux Ukrainiens ayant dû quitter, comme elle, leur ville de Bakhmout, conquise et anéantie par les forces russes il y a plus d'un an et demi.

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La dernière fois que l'AFP avait croisé Anna Holoubtsova, en octobre 2022, elle se tenait devant la maison en flammes de son voisin, détruite par une frappe.

A l'époque, cette cité de l'est de l'Ukraine était encore sous contrôle ukrainien. Elle tomberait finalement en mai 2023, au prix d'une des batailles les plus sanglantes et destructrices de l'invasion russe lancée en février 2022.

Anna Holoubtsova, brune au t-shirt scintillant, se trouve désormais à plus de 500 kilomètres à vol d'oiseau de sa ville d'origine. Mais être entourée de ses anciens voisins est une façon de tromper la réalité géographique - et nourrit ses rêves de retour.

"Je suis peut-être une rêveuse", dit-elle à l'AFP. "Mais je dis, et je continuerai à dire, que ma famille sera l'une des premières à revenir et à reconstruire Bakhmout".

Cette ambition paraît de plus en plus inatteignable.

L'armée ukrainienne est en difficulté sur le front Est, où elle perd presque chaque semaine plusieurs villages.

La Russie dont l'armée est bien plus nombreuse et mieux armée, compte elle conquérir autant de territoire que possible avant le retour à la Maison Blanche en janvier de l'imprévisible Donald Trump.

Le républicain, dont le pays est un soutien majeur de l'Ukraine, a promis une fin rapide de la guerre. Kiev craint que cela ne signifie céder les quelque 20% de son territoire occupé par les forces de Moscou.

Pour la diaspora de Bakhmout, cela fermerait la porte à un retour.

- "Change les idées" -

Alors, le temps d'un concert de Noël, les exilés font renaître leur ville, à distance, avec des chants et leurs souvenirs.

L'événement est organisé par un centre humanitaire et la mairie en exil de Bakhmout. La cité qu'elle administrait a presque disparu sous les bombes, mais une partie de ses habitants sont toujours là, dispersés dans le pays.

Certains attendent en file indienne pour boire un thé, grignoter quelques biscuits, tandis que des enfants préparent des décorations de Noël.

Quand le concert commence, la voix d'Anna Holoubtsova monte et certains spectateurs se lèvent, agitant leurs bras au rythme de la musique.

"Ca nous change les idées", explique Natalia Zyzyaïeva, 63 ans. "Ca nous aide à tenir, même juste un peu."

Parmi la centaine de personnes présentes, il est difficile de trouver un exilé n'ayant pas une histoire personnelle tragique à raconter.

L'une des voisines de Natalia Zyzyaïeva a été tuée alors qu'elle se rendait à son poulailler.

Un autre a été enterré dans le potager.

Natalia Zyzyaïeva tente de s'adapter à la vie dans la capitale, et à ses prix. Elle ne peut louer qu'un petit studio avec sa fille.

"On ne fait aucun plan pour l'avenir. On a vécu un jour de plus? Dieu soit loué", dit-elle pour expliquer la façon dont elle voit la vie.

Contrairement à d'autres de ses concitoyens, Natalia ne s'accroche pas à l'idée de retourner dans sa ville. "Pour aller où? Nous n'avons nulle part où retourner. Nous n'avons plus de maison."

- Rêves et espoir -

Des images satellites de la ville, qui comptait autrefois 70.000 habitants, montrent des bâtiments en ruines et des terres calcinées par les combats.

"Tout a été détruit, on ne peut même pas penser à un retour", estime Olena Rudyk, 65 ans.

Le nom de Bakhmout, pour ses exilés, évoque la ville où ils ont grandi, vieilli, vécu. Pour le reste du monde, c'est désormais un synonyme de la violence de l'invasion russe.

Olena Rudyk, musicienne à la retraite, préfère quand même évoquer le vin pétillant qui faisait la gloire de Bakhmout, et ses parcs adorés.

"Toute la ville était couverte de parterres de fleurs, de roses. Il y avait des parcs partout, la promenade centrale était magnifique", se souvient-elle.

Après bientôt trois ans de guerre, de plus en plus d'Ukrainiens se disent ouverts à l'idée de renoncer à une partie des territoires occupés pour obtenir la paix, selon des sondages.

Mais Anna Holoubtsova continue de s'imaginer chez elle.

"Les rêves sont ce qui nous pousse à continuer à vivre", assure-t-elle. "Alors s'il vous plaît, rêvez, espérez, attendez et tout deviendra réalité."

G.Lenaerts --JdB