Des diplomates américains rencontrent les nouveaux dirigeants de Syrie
Des diplomates américains sont arrivés vendredi en Syrie pour rencontrer les nouvelles autorités, dominées par des islamistes radicaux, avec pour objectif de les encourager à réunifier le pays après 13 ans d'une guerre civile sanglante.
La chute de Bachar al-Assad le 8 décembre a mis fin à un demi-siècle de règne sans partage du clan Assad et de répression, mais soulève de multiples doutes sur le respect des droits humains, la situation des minorités dans un pays profondément morcelé et l'avenir des régions kurdes semi-autonomes du nord de la Syrie.
Les femmes sont "absolument indispensables" pour reconstruire la Syrie, a affirmé vendredi la directrice générale de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), une agence de l'ONU, Amy Pope.
Jeudi, des centaines de personnes ont manifesté à Damas pour la démocratie et les droits des femmes.
"L'ère du silence est révolue. Nous serons à l'affût de toute position qui porterait préjudice aux femmes et ne l'accepterons pas", a assuré Majida Moudarres, une manifestante de 50 ans.
Au même moment, des milliers de personnes manifestaient à Qamichli, dans le nord-est, en soutien aux forces kurdes qui tentent de repousser des offensives de combattants soutenus par la Turquie, alliée du nouveau pouvoir.
"Nous voulons une Syrie démocratique, où chacun a ses droits", a déclaré Salha Kalach, une Kurde de 50 ans.
Des habitants de la capitale ont reçu sur leur téléphone portable des messages adressés au "peuple de Damas, ville de jasmin", les invitant à participer vendredi au "festival de la libération" sur la place des Omeyyades, au coeur de la ville.
- "Un moment historique" -
Les émissaires américains sont arrivés vendredi au siège d'Ahmad al-Chareh, de son nom de guerre Abou Mohammad al-Jolani, le nouvel homme fort de la Syrie, chef du groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS) classé comme terroriste par plusieurs pays dont les Etats-Unis.
Ils doivent aussi rencontrer des représentants de la société civile pour discuter "de leur vision de l'avenir de leur pays et de la manière dont les Etats-Unis peuvent les soutenir", selon le département d'Etat.
Cette délégation, première mission diplomatique formelle dépêchée par les Etats-Unis à Damas depuis le début de la guerre civile, comprend notamment Roger Carstens, chargé de collecter des indices sur les Américains portés disparus en Syrie comme le journaliste Austin Tice, kidnappé en août 2012.
Dès le matin, des employés et des gardes se sont affairés devant le bâtiment de l'ambassade des Etats-Unis, préparant les voitures pour la délégation.
La France, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'ONU avaient déjà envoyé des émissaires à Damas.
La chute de Bachar al-Assad a été accueillie par des scènes de liesse, près de 14 ans après le début de la guerre civile déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie, qui a fait un demi-million de morts et poussé à l'exil six millions de Syriens.
"Le peuple syrien se trouve à un moment historique et à un moment d'opportunité, et cette opportunité ne doit pas être manquée", a affirmé jeudi le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres.
- 2.000 soldats américains -
Méfiants, les Occidentaux cherchent néanmoins à établir des liens avec les autorités de transition, conscients du risque de fragmentation du pays et de résurgence du groupe jihadiste Etat islamique, qui conserve des cellules dormantes dans les zones désertiques.
Les Etats-Unis ont annoncé jeudi avoir doublé ces derniers mois leurs effectifs militaires en Syrie dans le cadre des opérations contre l'EI, les portant à environ 2.000 personnes.
Washington soutient les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes, qui contrôlent les zones semi-autonomes du nord de la Syrie.
La situation reste particulièrement volatile dans cette partie du pays, où la communauté kurde, longtemps opprimée, craint de perdre l'autonomie limitée qu'elle a chèrement acquise depuis le début de la guerre civile.
En parallèle, des combats opposent des groupes soutenus par la Turquie à des combattants kurdes soutenus par Washington.
Deux journalistes turcs d'origine kurde ont été tués dans le nord de la Syrie où ils couvraient ces combats, ont annoncé vendredi une association de journalistes turcs et une ONG.
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a une nouvelle fois vendredi appelé à "éradiquer" les "organisations terroristes" en Syrie, citant l'EI et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui mène une insurrection séparatiste en Turquie.
R.Vercruysse--JdB