Journal De Bruxelles - Géorgie: dans un fief rural du pouvoir, l'inquiétude en pleine crise politique

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Géorgie: dans un fief rural du pouvoir, l'inquiétude en pleine crise politique
Géorgie: dans un fief rural du pouvoir, l'inquiétude en pleine crise politique / Photo: Vano SHLAMOV - AFP

Géorgie: dans un fief rural du pouvoir, l'inquiétude en pleine crise politique

Sa vieille muraille surplombe des plaines viticoles. La petite ville de Sighnaghi, dans l'est de la Géorgie, est un fief du parti conservateur au pouvoir. Pourtant, ici aussi, la politique des autorités inquiète, en pleines manifestations pro-UE.

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La formation dirigeante, Rêve géorgien, a remporté officiellement 62% des voix à Sighnaghi lors des législatives d'octobre. Mais les résultats du scrutin ont été jugés truqués par l'opposition. Le pays traverse depuis une crise politique.

Fin novembre, le gouvernement a mis le feu aux poudres en suspendant le processus de rapprochement avec l'UE, ce qui a déclenché d'importantes manifestations d'opposition qui se poursuivent, chaque jour à Tbilissi, la capitale.

Les autorités, accusées de dérive autoritaire prorusse, répriment le mouvement à coups de violences policières, d'arrestations et de poursuites judiciaires. Elles accusent l'opposition d'être sous emprise étrangère et ont juré de l'anéantir.

A Sighnaghi, à deux heures de route de Tbilissi, la décision d'interrompre le rapprochement avec Bruxelles a aussi suscité l'incompréhension. "Tout le monde veut l'Europe. Je ne connais personne qui veut la Russie", affirme à l'AFP Giorgui Demourichvili, 32 ans.

Dans cette ville de quelque 1.500 habitants, ce guide propose des visites touristiques à bord d'un minibus électrique. Mais ce jour-là, il n'a pas de clients. D'autres véhicules similaires sont garés à côté, vides.

La crise politique et les violences qui émaillent les manifestations ont mis un coup de frein au tourisme, dont les revenus représentent 7% du PIB de la Géorgie. Environ 70% des réservations ont été annulées lors des deux dernières semaines, selon la fédération hôtelière géorgienne.

La région de Khakhétie, où se trouve Sighnaghi, attire d'habitude de nombreux visiteurs, toute l'année, avec ses paysages bucoliques, ses spécialités culinaires et son ancestrale culture du vin.

Guivi Kotchlamazachvili, un agriculteur de 62 ans, vend sa production dans un stand sur le bord d'une route. Mais, hier, quasiment personne n'est venu : "On a repris tous nos produits et on est rentré à la maison."

Les bons jours, dit-il, jusqu'à 300 personnes pouvaient lui acheter son jus de grenade, ses conserves et ses fruits secs. "Faut faire quelque chose pour ramener le calme dans le pays. Le gouvernement devrait être prêt au compromis", estime ce paysan, une cigarette entre les lèvres.

- "Trouver un compromis" -

Aucun des habitants de Sighnaghi interrogés par l'AFP n'a clairement condamné les manifestations pro-UE. Mais certains ont repris l'argumentaire du pouvoir qui dit vouloir une intégration à l'Union européenne en conservant une "dignité".

Le gouvernement a fait campagne, lors des législatives, en se présentant comme un rempart à une nouvelle guerre contre la Russie, qui a déjà envahi la Géorgie en 2008 et maintient une présence militaire dans deux régions séparatistes du pays, l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud.

Le pouvoir dit aussi vouloir protéger les traditions de ce pays du Caucase où l'influence de la religion chrétienne orthodoxe reste forte. Peu avant le scrutin, il a fait voter une loi réduisant fortement les droits des personnes LGBT+, présentées comme le fruit d'une supposée dérive morale de l'Occident.

Il a également adopté une législation contre "l'influence étrangère" qui, selon ses détracteurs, s'inspire d'une loi russe répressive contre les "agents de l'étranger" et crée un cadre juridique pour étouffer les ONG critiques des autorités.

Les nouvelles manifestations pro-UE qui secouent le pays depuis deux semaines divisent des familles. Une restauratrice de Sighnaghi affirme à l'AFP que sa fille, qui les soutient, et son fils, qui s'y oppose, ne se parlent plus.

"Il faut trouver un compromis. On ne peut pas subir une autre guerre civile", dit cette femme, qui préfère témoigner anonymement. Son anxiété est palpable : son restaurant est désert et, dit-elle, elle a du mal à rembourser ses dettes.

Pour Giorgui, un ouvrier de 29 ans, il est temps d'organiser de nouvelles élections. "De nouvelles personnes doivent arriver au pouvoir", dit cet homme, en sirotant une bière avec son épouse, sur un banc.

Comme beaucoup de Géorgiens, il n'a pas confiance dans le gouvernement, ni dans les formations d'opposition, accusées, même par des manifestants à Tbilissi, de ne pas avoir réussi à se renouveler.

Mais, en matière d'orientation géopolitique, les avis sont plus tranchés. Pour Giorgui, "vu tout ce qu'il se passe à cause de la Russie, l'Europe offre une meilleure voie vers la paix."

W.Dupont--JdB