Avec l'A9 paralysée, la colère agricole s'étend à la frontière espagnole
"C'est une question de survie": les agriculteurs de la Coordination rurale ont installé leur campement près de la frontière espagnole mardi pour bloquer tous les camions allant vers la France et "tenir longtemps".
Gilets jaunes sur le dos, drapeaux de la même couleur estampillés "CR" sur leurs véhicules, une centaine de manifestants ont déboulé au péage du Boulou (Pyrénées-Orientales) à la mi-journée pour barrer le passage sur l'autoroute A9 dans le sens Espagne-France.
En quelques minutes, une longue file de véhicules s'est formée et le trafic s'est complètement paralysé, créant au fil des heures un bouchon d'une quinzaine de kilomètres.
- "Frères d'armes" -
Une fois le barrage en place, Serge Bousquet-Cassagne, figure de la CR et président de la Chambre d'agriculture du Lot-et-Garonne venu pour donner un peu plus d'ampleur à ce coup d'éclat, a harangué ses troupes, les incitant à "tenir longtemps".
"Vos frères d'armes sont dans l'attente de ce qui se passe ici, c'est le coeur de l'événement", a-t-il lancé, alors que des mobilisations du syndicat se sont déroulées devant de nombreuses préfectures ailleurs dans le pays.
Si le blocage se voulait "filtrant" à l'origine et devait laisser passer les voitures, les files ininterrompues de poids lourds les ont empêchées de se frayer un chemin, tandis qu'en marge du barrage, certains agriculteurs ont vidé deux camions-citernes remplis de vin espagnol.
Avec le massif du Canigou comme décor, les manifestants ont installé leur campement sous l'oeil des forces de l'ordre, se servant du bitume de ce péage de l'autoroute entre Barcelone et Perpignan pour planter leur barbecue.
En installant les tables nécessaires au ravitaillement de la cohorte partie au petit matin de Béziers, Amédine Mas, 74 ans et viticultrice à la retraite, évoque "non pas une, mais des revendications" qui l'ont poussée à venir.
- "Pression écologique" -
Elle cite pêle-mêle "toute la partie administrative, de plus en plus gigantesque", "le fait que les agriculteurs ne puissent pas vivre ni de leur travail, ni de leurs terres", "toutes les lois que Bruxelles nous impose avec une grosse pression écologique qui me sort par toutes les oreilles", et "le fameux Mercosur".
Le traité de libre-échange, en projet, entre l'Union européenne et des pays du Mercosur est un des éléments qui a ravivé le feu agricole en cette fin d'automne.
"Il faut durer le plus longtemps possible, pour faire pression sur nos gouvernants (...) et sur ceux qui négocient le Mercosur, alors qu’il n’y a rien à négocier, c’est niet", assène Serge Bousquet-Cassagne.
Parmi les bloqués, Manuel Serrano, 75 ans, prend son mal en patience, sur son trajet entre Valence en Espagne, et Valence, en France.
Cet ancien agriculteur dit avoir "une légère idée" des raisons de la colère agricole qui a interrompu sa route, affirmant qu'"ils ne peuvent pas faire autrement".
"Les paysans français, comme espagnols, ne veulent pas de ce traité avec les pays sud-américains. Je le comprends parfaitement", explique-t-il à l'AFP.
Pour Philippe Maydat, président de la CR66, "le département des Pyrénées-Orientales est un symbole, en plus d'avoir les mêmes problèmes que tous les autres collègues, on a la sécheresse".
Bien installés à une dizaine de kilomètres de la frontière espagnole, le syndicat entend faire durer son opération coup de poing, et en appelle, pour y parvenir, à ses "relais", qui pourraient venir gonfler les rangs.
A l'approche des élections dans les chambres d'agriculture, qui colorent les mobilisations agricoles du moment, le représentant syndical ne veut pas exclure la venue de membres d'autres syndicats.
"Même si c’est des Jeunes agriculteurs, ou des agriculteurs de la FNSEA, je leur donnerai la main exactement comme je donne la main aux gars de la CR d’autres départements", assure Philippe Maydat.
E.Janssens--JdB