La Bulgarie vote encore, l'extrême droite en embuscade
Une grande lassitude et le spectre de l'extrême droite prorusse : les Bulgares ont commencé à voter dimanche pour élire le Parlement, leurs septièmes législatives depuis 2021 sans réel espoir de sortir de l'impasse.
Les scrutins se suivent dans le pays le plus pauvre de l'UE, où le souffle du changement contre les conservateurs de l'été 2020, quand Sofia était secouée par des manifestations anti-corruption, est totalement retombé.
Ce camp part une nouvelle fois favori. Mené par l'ancien Premier ministre Boïko Borissov, le parti Gerb est crédité d'environ 26% des intentions de vote.
"Les gens veulent un gouvernement, de la stabilité, de la sécurité" a-t-il déclaré en venant voter en jean et veste noire.
Mais il risque là encore de ne pas trouver d'alliés pour former une majorité, dans un Parlement extrêmement morcelé.
Et le taux de participation s'annonce toujours faible. Il y a cinq mois, seuls 34% des électeurs s'étaient déplacés aux urnes, le niveau le plus bas depuis la chute du communisme il y a 35 ans.
Cette fois, 9,55% des Bulgares s'étaient exprimés à 11h (9h GMT), contre 8,34% à la même heure en juin.
Les bureaux de vote ont ouvert à 07H00, pour de premières estimations à la sortie des urnes publiées vers 20H.
- "Temps agréable" -
"J'espère que davantage de gens vont venir : le temps est agréable et cela me fait croire que quelque chose peut bouger", a dit à l'AFP une retraitée de 74 ans, Magdalina Yotova.
Les enquêtes d'opinion montrant que plus de 60% des habitants jugent la situation "extrêmement inquiétante".
Avec cette crise politique sans précédent depuis 1989, les nationalistes prorusses de Vazrajdane (Renaissance) s'installent durablement dans le paysage politique.
"La Bulgarie doit rester un pays indépendant, sans ingérence" étrangère, a affirmé son président Kostadin Kostadinov en faisant allusion à Bruxelles et Washington.
Les sondages donnent 13 à 14% pour cette formation, soit autant que les réformateurs de CC/BD, qui eux perdent du terrain au fil des scrutins.
Kiril Petkov, ancien éphémère Premier ministre libéral et pro-européen, a dit vouloir "continuer la politique anti-corruption" s'il revenait au pouvoir.
Très présents pendant la campagne, Vazrajdane peut faire valoir auprès de son électorat l'adoption cet été par le Parlement à son initiative d'une loi contre la "propagande" LGBT+ dans les écoles.
Un texte directement inspiré de la Russie, dans ce pays certes membre de l'Otan mais toujours très russophile.
"L'influence de Vazrajdane s'accroît au point que le parti devient un partenaire potentiel pour Gerb", commente pour l'AFP Dobromir Jivkov, directeur de l'institut Market Links.
- L'inconnue américaine -
M. Borissov a ouvert la porte à un rapprochement tout en admettant que ses "partenaires à Bruxelles et Washington ne permettraient pas" un tel scénario.
Depuis l'invasion russe de l'Ukraine, il s'est clairement rangé contre Moscou, mais une éventuelle victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine pourrait changer la donne, selon l'analyste.
L'élection du candidat républicain et son "indulgence envers les péchés de corruption" pourraient aussi favoriser une coalition de Gerb avec l'ancien magnat Delyan Peevski, visé par des sanctions américaines et britanniques.
Le député de 44 ans a créé une faction dissidente au sein du parti de la minorité musulmane (MDL), qui pourrait recueillir plus de 7% des suffrages, voire plus.
Le marasme, qui inquiète les investisseurs étrangers, a mis en suspens les réformes anti-corruption et de transition énergétique, compromettant le versement de milliards d'euros de fonds européens.
La situation a également provoqué le report de l'adhésion à la zone euro et de l'accession pleine et entière à l'espace de libre circulation Schengen.
Sans compter le coût de l'organisation des sept élections, se chiffrant à plus de 300 millions d'euros.
M.F.Schmitz--JdB