Pakistan: le Premier ministre Imran Khan menacé par une motion de censure
Le Premier ministre pakistanais Imran Khan affronte dimanche au parlement une motion de censure qui menace d'entraîner sa chute, ses opposants l'accusant de mauvaise gestion économique et de maladresses en politique étrangère.
Le débat de la motion devant le parlement, qui compte 342 membres, doit commencer dimanche matin. Le vote, à hauts risques pour M. Khan dont les soutiens sont fortement érodés, pourrait intervenir le jour-même.
Le parti de M. Khan, le Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI, Mouvement du Pakistan pour la justice), a perdu sa majorité parlementaire la semaine dernière, quand un parti allié a déclaré que ses sept députés allaient voter avec l'opposition.
Plus d'une douzaine de députés du PTI ont également changé de camp, bien que la direction du parti essaie de les empêcher de voter par des recours judiciaires.
M. Khan a appelé ses partisans à descendre dans la rue dimanche pour manifester pacifiquement contre ce qu'il a qualifié de "conspiration" organisée à l'étranger pour le chasser du pouvoir. "Je veux que vous protestiez tous pour un Pakistan indépendant et libre", a-t-il déclaré aux médias d'Etat.
Il a traité ses opposants de "voleurs", de "lâches" et de "manipulateurs", et a laissé entendre qu'il avait encore une carte à jouer. "J'ai un plan pour demain, ne vous inquiétez pas. Je le leur montrerai et je les vaincrai devant l'assemblée", a-t-il promis samedi.
Plus tôt cette semaine, il avait accusé les Etats-Unis d'ingérence dans les affaires pakistanaises. Selon les médias locaux, il a reçu un rapport de l'ambassadeur pakistanais à Washington, qui a enregistré un haut fonctionnaire américain lui disant que les relations entre les deux pays seraient meilleures si le Premier ministre quittait ses fonctions. Washington a nié.
M. Khan accuse les Etats-Unis de vouloir le renverser parce qu'il refuse de s'aligner sur les positions américaines à l'égard de la Russie et de la Chine.
- Menace des talibans -
Accusé par ses opposants de mauvaise gestion économique -inflation galopante, roupie faible et dette écrasante-, et de maladresses en politique étrangère, Imran Khan, 69 ans et ancienne gloire nationale de cricket, est confronté à sa plus grave crise politique depuis son élection en 2018.
Le gouvernement doit aussi faire face à la menace accrue des talibans pakistanais du TTP (Tehreek-e-Taliban Pakistan), qui ont annoncé mercredi vouloir lancer une "offensive" contre les forces de sécurité pendant le ramadan.
Les deux principales formations de l'opposition, le Parti du peuple pakistanais (PPP) et la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N), ont dominé la politique nationale pendant des décennies, avec des périodes de pouvoir ponctuées de coups d'Etat militaires, jusqu'à ce qu'Imran Khan forge une coalition en promettant notamment aux électeurs de balayer des décennies de corruption.
Certains analystes disent qu'Imran Khan a également perdu le soutien crucial de l'armée, clef du pouvoir politique pakistanais.
Depuis l'indépendance en 1947, le Pakistan a connu quatre putschs militaires réussis et au moins autant de coups d'Etat infructueux, et le pays a passé plus de trois décennies sous le régime de l'armée.
Si Imran Khan est renversé, un nouveau gouvernement sera probablement dirigé par Shehbaz Sharif (PML-N), le frère de l'ancien Premier ministre Nawaz Sharif, destitué en 2017 pour corruption présumée et emprisonné, puis libéré sous caution en octobre 2019 pour raisons médicales.
Mais samedi, le gouvernement a demandé à la justice de révoquer la liberté sous caution de Shehbaz Sharif, sous le coup d'une enquête pour blanchiment d'argent depuis 2020. La décision de la cour de Lahore (est) est attendue lundi.
Bilawal Bhutto Zardari (PPP), fils de l'ancienne Première ministre assassinée Benazir Bhutto et de l'ancien président Asif Zardari, pourrait également jouer un rôle de premier plan.
U.Dumont--JdB