Ukraine: l'armée russe se regroupe, l'Europe sommée de payer le gaz russe en roubles
L'armée russe est en train de se regrouper en vue de nouvelles attaques en Ukraine, ont estimé Kiev et l'Otan jeudi, alors que Moscou menace de couper l'approvisionnement en gaz aux pays "inamicaux" qui refuseraient de payer en roubles.
Les forces russes "ne se retirent pas mais se repositionnent" en Ukraine, a déclaré jeudi le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg, jugeant que Moscou entend renforcer son offensive sur la région du Donbass, dans l'est, tout en maintenant "la pression sur Kiev et d'autres villes".
Ces propos font écho à ceux du général ukrainien Pavlo "Maestro" à Kharkiv. "(L'ennemi) se regroupe pour attaquer et mettre le maximum de forces" dans le sud et l'est de l'Ukraine, a-t-il déclaré jeudi à l'AFP.
Le président russe Vladimir Poutine a pour sa part menacé les acheteurs de gaz russe de pays "inamicaux" de stopper leur approvisionnement s'ils ne se plient pas aux exigences du Kremlin, une mesure qui affecterait principalement l'Union européenne, très dépendante.
"Ils doivent ouvrir des comptes en roubles dans des banques russes. Et de ces comptes ils devront payer le gaz livré et cela dès demain", a-t-il déclaré.
Le chancelier allemand Olaf Scholz a aussitôt répondu que les pays européens continueront de payer le gaz russe en euros et dollars comme cela est "écrit dans les contrats". J'ai dit clairement au président russe que cela restera ainsi" et "les entreprises veulent pouvoir payer en euros et le feront", a-t-il ajouté.
Le ministre français de l'Economie Bruno Le Maire, en déplacement à Berlin, a indiqué que la France et l'Allemagne se préparent à un tel scénario.
"Il peut y avoir une situation dans laquelle demain, dans des circonstances très particulières, il n'y aura plus de gaz russe (...) c'est à nous de préparer ces scénarios là, et nous les préparons", a-t-il déclaré.
- Crise humanitaire massive -
Après cinq semaines de guerre, 4 millions de réfugiés ont fui l'Ukraine, auxquels s'ajoutent presque 6,5 millions de déplacés à l'intérieur du pays, selon l'ONU. Quelque 90% de ceux qui ont fui l'Ukraine sont des femmes et des enfants.
L'Europe n'a pas connu de tels flots de réfugiés depuis la Deuxième Guerre mondiale. "Nous sommes confrontés aux réalités d'une crise humanitaire massive qui ne fait que croître chaque seconde", s'alarme le Haut commissariat aux réfugiés.
Le gouvernement ukrainien s'efforce toujours d'organiser des évacuations depuis Marioupol, port stratégique du sud-est de l'Ukraine, sur la mer d'Azov, assiégé et pilonné sans relâche depuis la fin février par les forces russes et où 160.000 civils seraient toujours bloqués.
Une opération pourrait être lancée à la faveur d'un cessez-le-feu local annoncé tard mercredi par Moscou afin d'ouvrir un couloir humanitaire "avec la participation directe de représentants du Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (UNHCR) et du Comité international de la Croix-Rouge (CICR)".
On ignorait jeudi après-midi si ce cessez-le-feu, censé avoir commencé jeudi à 07H00 GMT, était effectif. A Genève, le CICR s'est prêt à diriger l'évacuation à condition que les garanties soient réunies.
"Il est vital que ces opérations puissent avoir lieu. Les vies de dizaines de milliers de personnes à Marioupol en dépendent", a insisté l'organisation depuis Genève, disant espérer un lancement dès vendredi.
Le gouvernement ukrainien a de son côté annoncé dépêcher 45 bus pour évacuer des civils en direction de la ville de Zaporojié, à 220 km au nord-ouest, selon la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk. Dix-sept bus sont déjà partis pour Marioupol, a-t-elle précisé.
Des personnes ayant réussi à quitter la ville et des ONG y ont décrit des conditions catastrophiques, avec des civils terrés dans des caves, privés d'eau, de nourriture et de toute communication, et des cadavres jonchant les rues. La municipalité accuse en outre Moscou d'avoir évacué "contre leur gré" plus de 20.000 habitants de Marioupol vers la Russie.
Selon le ministère britannique de la Défense, "des combats intenses se poursuivent à Marioupol" mais les Ukrainiens "conservent le contrôle du centre-ville".
L'agence nucléaire ukrainienne Energoatom de son côté annoncé jeudi que les forces russes ont commencé à se retirer du site nucléaire de Tchernobyl, dont elles avaient pris le contrôle dès le premier jour de l'invasion de l'Ukraine le 24 février. Il ne reste plus qu'un "petit nombre" de soldats russes sur place, a-t-elle indiqué.
- Possible rencontre Lavrov-Kouleba -
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu, a par ailleurs annoncé jeudi matin qu'une nouvelle rencontre entre ses homologues russe Sergueï Lavrov et ukrainien Dmytro Kouleba pourrait avoir lieu "d'ici une ou deux semaines". La Turquie pourrait accueillir cette rencontre, pour laquelle aucune date n'a été fixée.
Le négociateur en chef ukrainien, David Arakhamia, a lui indiqué mercredi que des pourparlers en ligne avec la délégation russe reprendraient vendredi.
Le président ukrainien s'est adressé jeudi par vidéo aux parlements australien, néerlandais et belge, les exhortant à fournir des armes à son pays et à cesser d'acheter des hydrocarbures ou des diamants russes.
De leur côté, les séparatistes prorusses du Donbass ukrainien affirmaient jeudi contrôler la quasi-totalité de la région de Lougansk et plus de la moitié de celle de Donetsk, ce qui n'a pas pu être vérifié de source indépendante.
- Poutine grimpe dans les sondages -
En Russie, la popularité de Vladimir Poutine a fait un bond de douze points par rapport à février avec 83% de sondés approuvant son action, selon une enquête publiée jeudi par l'institut russe indépendant Levada, dont c'est le premier sondage depuis le début de l'offensive en Ukraine.
Les services de renseignements américains et britanniques avaient de leur côté décrit mercredi et jeudi un président russe "mal informé" sur le conflit, en froid avec son état-major et entouré de conseillers craignant de lui dire la vérité.
Mais pour le Kremlin, les Etats-Unis "ne comprennent pas le président Poutine, ils ne comprennent pas le mécanisme de prise de décision".
"Ce n'est pas seulement dommage, c'est préoccupant, car lorsqu'il y a un tel degré d'incompréhension, cela conduit à des prises de décision erronées qui ont ensuite de graves conséquences", a averti le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.
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Y.Callens--JdB