"Rentrez chez vous!": le message aux soldats russes du défenseur de Kharkiv
"Soldats russes, rentrez chez vous, pendant que vous êtes encore en vie!": le commandant en chef de la 92e Brigade de l'armée ukrainienne et défenseur de Kharkiv, deuxième ville d'Ukraine, a jugé la situation militaire "stable" dans sa région mais a mis en garde contre une nouvelle offensive russe dans l'est du pays.
"Ils (les Russes) ont cru qu'ils passeraient en Ukraine comme ils l'ont fait en Crimée (en 2014). Mais cela n'a pas marché, c'est pourquoi l'ennemi s'est retiré et est en train de se regrouper", a déclaré à l'AFP le général Pavlo "Maestro", au cours d'une interview exclusive.
"Il se regroupe pour attaquer et mettre le maximum de forces dans la région ou la direction de Slobozhanshchyna", la partie nord-est du pays allant de Kharkiv à Lougansk, et "Marioupol", a mis garde ce général de 47 ans, dont la tête est mise à prix par les séparatistes du sud-est du pays.
"Il ne faut jamais sous-estimer l'ennemi", dont les "forces sont énormes", a souligné l'officier supérieur, distingué le 3 mars par le président Volodymyr Zelensky comme "héros" de l'Ukraine pour sa défense de Kharkiv aux premiers jours de la guerre.
Repoussée des faubourgs, l'armée russe campe toujours aux périphéries nord et nord-est de la ville, d'où elle bombarde quotidiennement des zones résidentielles à portée de son artillerie.
"A Kharkiv, la situation est stable", a jugé le général "Maestro", un surnom hérité de la guerre de 2014/2015 dans le Donbass (est). "Nous nous défendons dans toutes les directions et nous essayons de repousser l'ennemi".
"Je ne suis pas un héros, je suis un soldat, un simple officier qui défend sont pays", a commenté ce militaire, engagé en 1991, "trois fois blessé" et le front marqué d'une cicatrice laissée par une balle.
- Chef d'orchestre -
Physique massif et énergie inépuisable, l'homme circule discrètement dans Kharkiv et ses lignes de front, l'une des grandes villes urkainiennes les plus touchées par les bombardements après Marioupol, dans le sud.
Refusant de se laisser photographier, il explique l'origine de son surnom, marquée sur la bande patronymique de son uniforme: "En 2015, j'ai été le chef de plusieurs unités, j'étais comme un chef d'orchestre", sourit-il.
On remarque aussi sur son bras gauche l'écusson aux deux fusils entrecroisés de son unité, l'une des deux grandes brigades déployées dans cette partie du pays limitrophe de la frontière russe, où vivent de nombreux russophones et où certains redoutent que les forces de Moscou, se retirant des abords de Kiev, ne tentent un nouveau mouvement en étau vers le sud.
Commentant la reprise ce début de semaine par les forces ukrainiennes du village de Mala Rogan et d'une autoroute en périphérie est, où les militaires russes ont subi de lourdes pertes, l'officier supérieur a jugé que c'était "une opération classique comme nous en menons tous les jours".
Dans sa voiture, on voit d'ailleurs assis à l'arrière un prisonnier, un "lieutenant des transmissions" capturé à Mala Rogan, poignets liés par du gros scotch. Le général lui offre un café, acheté par son escorte au supermarché du coin. "On l'amène à la police".
"Maestro" a survécu à deux bombardements, "avec deux immeubles" qui lui sont "tombés sur la tête", raconte-t-il placidement. "J'étais sous les décombres et j'en suis sorti indemme".
Originaire de Dnipro, il est père de trois enfants et déjà deux fois grand-père. "Tout mes ancêtres étaient militaires, mon père, mon grand-père... Mon fils aîné est officier au sein de ma brigade, il fait son devoir".
Amateur de plongée et de pêche à la ligne, le général est un "homme ordinaire avec des goûts ordinaires", qui aime "voyager" et "dormir sous la tente à la campagne".
A la guerre, "celui qui n'a pas pas peur est un fou ou un imbécile. (...) Un jour Dieu ou le destin décide qu'il faut partir".
"Le moral de nos troupes est haut. Nous sommes ici sur notre terre, nous protégeons nos familles et nos victoires nous remontent le moral", assure l'officier.
"Aux forces russes qui nous attaquent, voici mon message: reprenez vos soldats, reprenez vos enfants, reprenez tous vos véhicules et rentrez chez vous, pendant que vous êtes encore en vie", lance le "Maestro".
"Je veux une Ukraine prospère et en paix (...), où mes petits-enfants grandiront comme des Européens, avec une bonne éducation et dans un pays libre", conclut-il.
M.Kohnen--JdB