Des Brésiliens au combat en Ukraine à 11.000 km de chez eux
Saulo glisse un petit drapeau du Brésil dans son sac à dos noir, avec un treillis, un tapis de sol, un couteau dans son étui et une paire de rangers, "juste l'essentiel" pour aller combattre en Ukraine.
"Je m'identifie à cette cause", dit à l'AFP ce Brésilien de 35 ans, qui a quitté son poste de policier militaire à Sao Paulo pour rejoindre le conflit à plus de 11.000 km de chez lui.
"Le peuple ukrainien souffre à cause de cette agression injuste et je veux aider à éviter une troisième guerre mondiale", ajoute cet homme aux cheveux ras et aux bras musclés, une tête de mort tatouée sur le biceps.
Né dans l'Etat du Parana (sud), Saulo, qui ne souhaite pas révéler son nom de famille, dit avoir été sensibilisé par des images de bombardements d'hôpitaux et de zones résidentielles en Ukraine.
"Je sais qu'il y a un risque de ne pas rentrer vivant, tous ceux qui vont là-bas le savent", admet ce policier habitué au "combat en zone urbaine" à Sao Paulo.
Sa seule crainte? "Que ça dégénère en guerre nucléaire".
Saulo a quitté Sao Paulo mercredi, pour rejoindre la Pologne, muni d'un billet d'avion en aller simple acheté avec ses économies.
"Je suis en contact avec des gens (des Brésiliens qui sont déjà en Ukraine) qui m'aideront à rejoindre les troupes" à la frontière, explique-t-il, après avoir dit au revoir à ses deux enfants et à sa compagne.
- "Opportunité" -
Plusieurs centaines de Brésiliens, des hommes, pour la plupart, se disent prêts à combattre en Ukraine.
Début mars, au moins 20.000 volontaires de plus de 50 pays se sont inscrits sur le site internet "fightforua.org" en vue de rejoindre la Légion internationale pour la défense de l'Ukraine, selon les autorités ukrainiennes.
Cette organisation, contactée par l'AFP par téléphone, assure que toute personne ayant une expérience militaire ou de combat avec des armes à feu peut être enrôlée.
Au Brésil, plusieurs groupes ont été créés sur Facebook: l'un d'entre eux, intitulé "Volontaires pour combattre en Ukraine", compte 1.800 membres.
Dans ces cercles virtuels, les membres échangent des informations pratiques sur les défis logistiques d'un tel voyage, mais restent méfiants, craignant d'être surveillés par des "espions russes infiltrés dans les groupes", ont confié certains internautes à l'AFP.
Guilherme, 29 ans, qui préfère utiliser un pseudonyme pour des raisons de sécurité, envisage de sauter le pas, pour prendre un nouveau départ.
"Combattre en Ukraine, c'est une opportunité, pour rester en Europe par la suite. Ici, au Brésil, tout est compliqué", explique cet ancien militaire et agent de sécurité, actuellement au chômage.
"On ne peut pas se dire que cette guerre ne nous concerne pas", ajoute ce Brésilien passé par la Légion étrangère française en 2017.
Mais avant d'acheter son billet d'avion, Guilherme veut s'assurer que sa nationalité ne sera pas un obstacle pour se faire enrôler.
Des rumeurs font état d'un rejet des volontaires brésiliens en raison de la "neutralité" affichée par le président d'extrême droite Jair Bolsonaro, qui s'était même dit "solidaire" de Vladimir Poutine lors d'une visite officielle à Moscou une semaine avant le début du conflit.
La Légion internationale ukrainienne a toutefois démenti auprès de l'AFP toute restriction concernant les volontaires brésiliens.
- "Accueillis à bras ouverts" -
Leandro Galvao, ex-militaire brésilien de 49 ans qui vit en Estonie, combat depuis plusieurs jours aux côtés de l'armée Ukrainienne dans les environs de Kiev.
"Je suis là pour défendre la démocratie, je me sens à présent membre de cette Nation et je vais me battre jusqu'au bout", raconte ce père de deux adolescents, joint au téléphone par l'AFP.
Il dit ne dormir "que trois heures par jours" et être notamment affecté à des missions d'évacuation de civils.
Les étrangers "sont accueillis à bras ouverts", dit cet homme originaire de Sao Paulo, qui avait déjà combattu avec la Légion étrangère en Afghanistan.
Jorge Rybka, consul d'Ukraine à Sao Paulo, assure que son pays "ne fournit aucune aide" aux volontaires souhaitant rejoindre les zones de conflit.
Le ministère brésilien des Affaires étrangères "déconseille fortement" pour sa part de se rendre en Ukraine.
Y.Niessen--JdB