Vents favorables au vélo-cargo
Dans la benne avant de son vélo-cargo, Pauline Jan, 39 ans, enseignante à Lyon, charge les courses du marché et... ses trois bambins: la voiture sert seulement pour les "week-ends ou soirées tardives" dans une ville aux embouteillages chroniques.
Populaire dans les pays scandinaves, l'usage des vélos dédiés au transport en milieu urbain est en essor en France, ce qui pousse les collectivités à prendre des mesures d'accompagnement très attendues par les usagers.
Il n'y a pas de statistiques globales sur ce marché en pleine expansion, mais les indices de terrain concordent.
"Voici 11 ans, je n'en vendais qu'à des passionnés. Mais depuis quelques années, c'est +30% de ventes par an", explique Alexandre Karsenty, gérant de la boutique indépendante Lyon Cycle Chic.
Le réseau national de boutiques Cyclable enregistre le même engouement - 1.200 ventes en 2018, 3.400 en 2021 -, l'enseigne Decathlon prépare la sortie d'un modèle.
La tendance profite aussi au petit constructeur stéphanois Kiffy, spécialiste du longtail (pour "longue queue"), ces vélos dotés d'un porte-bagages allongé pouvant transporter deux ou trois enfants, moins encombrant que le cargo avec caisse à l'avant.
- Prise de conscience -
"La pandémie de Covid, les différentes aides à l'achat et la prise de conscience de consommer différemment expliquent cette explosion", selon Thibaud Vignali, directeur commercial de cette PME de 10 salariés revendiquant une production à 80% made in France.
Le transport des enfants est sans conteste la porte d'entrée vers le cargo, quasi-exclusivement à assistance électrique.
"Quand des parents mettent 30 min pour faire 3 km et finissent par se garer en triple file +à l'arrache+ et qu'ils voient ceux en cargos arriver pile devant l'école...", sourit M. Karsenty. "Et pour les enfants, c'est l'aventure tous les jours!", abonde Pauline Jan.
La famille Colin-Jousse a franchi un pas définitif avec l'arrivée de son 3e enfant: la voiture, qui n'avait plus servi depuis une visite familiale dans le Lot, a été remisée, au profit d'un 2e cargo.
"Dans l'agglomération, 90% du temps en voiture est contraignant, entre stationnement et déplacement. L'investissement de départ est élevé (6.000 EUR pour le premier vélo), mais on s'y retrouve largement vu les coûts liés à la voiture... D'autant qu'avec un 3e enfant, il aurait fallu acheter une 7 places, plus chère", explique Erwan Colin, 37 ans, cadre informatique à Lyon. La capacité de chargement vélo "équivaut à un coffre de voiture", les longs déplacements se font désormais "en train".
"Bluffé" par l'essor de l'usage familial, Nicolas Frasie, de l'association La ville à vélo, y voit néanmoins un bémol: le stationnement.
L’empattement et le coût élevé des engins militent pour des emplacements sécurisés. "Les gens n'achètent pas un vélo mais un véhicule!", insiste M. Karsenty, rappelant qu'un cargo de qualité coûte de 4 à 6.000 euros.
Les collectivités répondent progressivement aux nouveaux besoins, à l'instar de la métropole EELV de Lyon qui se félicite de "l'extension de l'usage du vélo au domaine familial via le cargo" selon son vice-président aux mobilités Fabien Bagnon.
Les offres de location de vélos vont être élargies, des places dédiées aux deux roues transporteurs sont prévues dans chaque nouveau parking de voirie. La société d'économie mixte Lyon Parc Auto réserve également 10 places dans ses parkings depuis 2021 et ouvre son service d'auto-partage.
- Conversion -
La Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) s'implique, elle, avec une série d'aides aux stationnements sécurisés dédiés, notamment dans les copropriétés et les entreprises.
Autant de dispositifs bénéficiant aux professionnels, alors que livreurs et artisans se convertissent progressivement.
L'association "Les boîtes à vélo" est ainsi passée de 150 à 300 membres en un an et demi, organise des formations et "est régulièrement sollicitée par les chambres des métiers", explique Caroline Faucon, administratrice. Elle a elle-même créé à Lyon "Baguette à bicyclette" pour livrer des petits déjeuners.
La hausse du carburant et l'instauration de zones à faible émission dans les métropoles contribuent au développement de cet usage "pro". Au risque, parfois, de générer des bouchons sur les pistes cyclables aux heures de pointe.
H.Dierckx--JdB