La guerre entre dans Kiev, "crime de guerre majeur" à Marioupol selon l'UE
La guerre entre dans Kiev: un centre commercial de la capitale ukrainienne a été ravagé par un bombardement russe qui a tué au moins huit personnes, tandis que l'Union européenne a qualifié lundi la dévastation de la ville assiégée de Marioupol de "crime de guerre majeur".
Au 26e jour de l'invasion de l'Ukraine décidée par le président russe Vladimir Poutine, les bombardements se poursuivent sur nombre de villes: Kiev, Kharkiv, Marioupol, Odessa, Mykolaïv...
Le maire de la capitale, Vitali Klitschko, a annoncé un nouveau couvre-feu entre lundi 20H00 (18H00 GMT) et mercredi 07H00 (05H00 GMT). Il a appelé les habitants à porter des masques et ne pas ouvrir les fenêtres, à cause de la pollution causée par les incendies dus aux bombardements.
Selon le ministère de la Défense britannique, l'armée russe, tentant d'encercler Kiev, a "calé" au nord-est de la ville et a été "repoussée par une résistance ukrainienne féroce" au nord-ouest.
Tard dimanche soir, une puissante frappe russe, vraisemblablement un missile, a détruit l'immense centre commercial "Retroville", dans le nord-ouest de Kiev, secouant toute la ville.
"Mon appartement a vacillé sous le souffle de l'explosion, j'ai cru que l'immeuble allait tomber", s'étonne encore Vladimir, 76 ans, tandis que les secours recherchaient des restes humains dans les décombres.
De l'avis de tous sur le site, c'est l'attaque la plus violente contre Kiev depuis le début de la guerre.
L'explosion a été dévastatrice, détruisant les vitres de tout le quartier et endommageant une dizaine d'immeubles. Débris, véhicules anéantis et ferrailles tordues jonchaient la scène sur des centaines de mètres, a constaté l'AFP.
D'un immeuble de 10 étages carbonisé, il ne reste que la structure en béton - "les bureaux du centre commercial, heureusement il n'y avait personne", explique un riverain.
Kiev s'est vidée d'au moins la moitié de ses 3,5 millions d'habitants depuis le début de l'invasion.
- Marioupol ravagée -
Dans la région de Donetsk (est), au moins un civil a été tué et deux blessés à Avdiivka, petite ville industrielle bombardée par l'artillerie et l'aviation russes, selon Pavlo Kyrylenko, chef militaire ukrainien de la région. "Le bombardement se poursuit", a-t-il écrit sur Telegram.
A Marioupol, grande ville portuaire du sud, majoritairement russophone, assiégée et bombardée depuis des semaines par les Russes, 350.000 habitants restent bloqués dans des ruines jonchées de cadavres, manquant de tout.
Moscou avait demandé dimanche aux défenseurs de la ville de "déposer les armes", mais "il n'est pas question de parler de reddition", a rétorqué la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk.
Selon Mikhail Mizintsev, directeur du Centre national russe de gestion de la défense, Moscou a ouvert lundi matin "des corridors humanitaires depuis Marioupol vers l'est, et en accord avec la partie ukrainienne, vers l'ouest".
Mais "les occupants continuent à se comporter comme des terroristes", a répliqué Iryna Verechtchouk sur Telegram. "Ils disent qu'ils sont d'accord (pour instaurer un) corridor humanitaire et le matin, ils bombardent le lieu d'évacuation".
Selon les autorités locales, les soldats russes ont transporté de force un millier d'habitants vers la Russie, les privant de leur passeport ukrainien - un possible crime de guerre.
Marioupol, cible stratégique pour les Russes, constitue un pont terrestre entre leurs forces en Crimée, au sud-ouest, et les territoires qu'ils contrôlent au nord et à l'est.
Selon l'administration militaire de la région de Donetsk, "plus de 80% des infrastructures de la ville sont endommagées ou détruites". La situation humanitaire y est "extrêmement grave", selon l'ONU, avec "une pénurie critique et potentiellement mortelle de nourriture, d'eau et de médicaments".
Pour le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, "ce qui se passe à Marioupol est un crime de guerre majeur. Les bombardements indiscriminés dévastent la ville et tuent tout le monde".
Le ministre ukrainien de la Défense Oleksii Reznikov a salué sur Facebook "les défenseurs héroïques de Marioupol", car "aujourd'hui Marioupol sauve Kiev, Dnipro (centre) et Odessa" (sud) en bloquant les Russes.
Mais "la situation est très difficile" face à "un ennemi très supérieur numériquement et la menace d'une invasion terrestre de l'armée" du Bélarus, allié de Moscou, a-t-il ajouté.
- Lourdes pertes russes -
Environ 10 millions d'Ukrainiens ont fui leur foyer, dont un tiers environ à l'étranger, principalement en Pologne, selon l'ONU.
L'armée ukrainienne a affirmé lundi que les Russes ont perdu 15.000 soldats, tandis que le président Volodymyr Zelensky annonçait 1.300 militaires ukrainiens tués le 12 mars - des chiffres impossibles à vérifier. Des sources du renseignement américain citées par le New York Times avancent plus de 7.000 Russes tués.
Dans le nord, le gouverneur régional de Soumy, Dmytro Zhyvytsky, a signalé une "fuite d'ammoniac" dans les installations d'une usine chimique, appelant les habitants à se réfugier dans des caves ou des immeubles de faible hauteur.
Vers 07H45 GMT, les secours ukrainiens ont tweeté que l'accident, causé par un bombardement d'origine non précisée, était "terminé".
Moscou avait déclaré dimanche soir que des "nationalistes" avaient "miné" les installations de stockage d'ammoniac et de chlore de l'usine "dans le but d'empoisonner massivement les habitants".
Dans la même région, la petite ville de Trostyanets, prise par l'armée russe, est en proie à des exactions de cette dernière, a dénoncé sur Telegram la défenseure des droits ukrainienne Lyudmyla Denysova.
"Les occupants tuent des civils, détruisent l'infrastructure civile et se livrent au pillage à grande échelle", selon Mme Denysova, qui a relevé au moins huit morts civils, dont certains abattus par des snipers russes, et de violents bombardements dimanche sur des quartiers résidentiels.
- Moscou fustige Biden -
Sur le front diplomatique, le président Zelensky s'est dit "prêt à des négociations" avec le président russe, dans un entretien diffusé par CNN, car "sans négociations, on n'arrêtera pas la guerre".
A Bruxelles, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'UE sont réunis pour examiner de nouvelles sanctions contre Moscou.
L'UE devrait aussi approuver la constitution d'une force de 5.000 combattants et s'engager sur une augmentation de ses dépenses militaires - "une partie de la réponse" au conflit, selon Josep Borrell.
Sur Telegram, le président ukrainien a appelé l'UE à cesser tout commerce avec la Russie, notamment concernant "les ressources énergétiques".
Le Kremlin a de son côté estimé qu'un potentiel embargo européen sur le pétrole russe frapperait "tout le monde".
Les prix du Brent, référence du pétrole en Europe, et du WTI américain ont bondi lundi de plus de 6%, dépassant les 110 dollars le baril.
L'UE a déjà adopté plusieurs trains de sanctions contre Moscou, ciblant massivement entreprises, banques, hauts responsables et oligarques, et interdisant les exportations vers la Russie. Le gaz et le pétrole russes ont jusqu'ici été épargnés, les Européens étant très dépendants des hydrocarbures russes.
Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a également appelé lundi la Chine à "jouer un rôle important" pour trouver une "solution politique" au conflit.
Une nouvelle visioconférence est prévue à 15H00 GMT entre les dirigeants américain Joe Biden, français Emmanuel Macron, britannique Boris Johnson, allemand Olaf Scholtz et italien Mario Draghi.
M. Biden se rendra vendredi à Varsovie pour y discuter avec son homologue polonais du conflit. La Maison Blanche a précisé que M. Biden irait auparavant en Belgique pour rencontrer des dirigeants de l'Otan, du G7 et de l'UE.
La Russie a convoqué lundi l'ambassadeur américain à Moscou et accusé le président Biden d'avoir conduit les relations russo-américaines "au bord de la rupture" par ses déclarations "indignes" visant Vladimir Poutine, qu'il a qualifié de "criminel de guerre.
Dans un contexte de répression renforcée en Russie depuis l'offensive en Ukraine, un tribunal russe a interdit lundi les géants américains des réseaux sociaux Facebook et Instagram pour "activité extrémiste". Moscou vise un contrôle total de l'information en ligne.
burs-mba/sg
D.Verheyen--JdB