Prix de l'alimentation: le gouvernement appelle à rouvrir les négociations commerciales
Face à la flambée des coûts de production liés à la guerre en Ukraine, le gouvernement a appelé vendredi distributeurs et industriels de l'agroalimentaire à se remettre autour de la table pour revoir les contrats tout juste signés le 1er mars à l'issue des négociations commerciales.
Une réunion exceptionnelle a eu lieu en visioconférence dans la matinée, réunissant les différents maillons de la chaîne alimentaire. Faisant appel à leur "bon sens", le ministère de l'Agriculture a demandé à "revoir le contenu de ces contrats", en s'appuyant notamment sur leurs clauses de renégociation.
Saluant "l'effort de transparence" des industriels sur les impacts de la guerre sur leurs activités, le gouvernement indique qu'un moratoire sur les pénalités logistiques pourrait être envisagé. Ces sanctions s'appliquent quand les chaînes d'approvisionnement sont perturbées, comme c'est le cas en raison du conflit en Ukraine.
"Côté enseignes de la grande distribution, le positionnement a été différencié", a reconnu le ministère à l'issue de la réunion, certaines enseignes étant plus "vertueuses" et volontaristes que d'autres pour rouvrir des négociations à peine clôturées.
- Clauses de renégociation -
Une réunion sur ce format aura lieu chaque semaine pendant les nouvelles discussions, prévues sur une durée d'environ un mois.
Chaque année, ces négociations commerciales permettent de déterminer le prix de nombreux produits vendus par les industriels aux grandes surfaces, résultat d'une âpre lutte avec les distributeurs.
La tension était encore plus importante cette année en raison de l'inflation du coût des matières premières agricoles d'une part et des coûts industriels (énergie, emballages, transport) d'autre part.
Le gouvernement avait finalement annoncé que le prix des produits alimentaires payés aux industriels allait augmenter de l'ordre de 3% en France en 2022, une première depuis 2014.
Or les négociations se sont largement tenues avant le déclenchement de l'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février, et pour Dominique Chargé, représentant des 2.200 coopératives agricoles françaises, la réouverture des discussions relevait de la "nécessité absolue".
Le ministère de l'Agriculture a souligné le lourd impact de cette crise sur les acteurs de la chaîne alimentaire, qui subissent à la fois des difficultés d'approvisionnement et une hausse de leurs coûts de production.
"La loi Egalim a l'avantage d'offrir les clauses et les outils pour répondre en partie à la situation", a-t-il toutefois voulu rassurer.
"Les clauses de renégociation indiquent que quand il y a de fortes variations sur l'énergie par exemple, les acteurs se remettent autour de la table pour revoir leurs tarifs", précise le gouvernement. Les deux parties, par exemple, peuvent s'accorder sur une "clause d'indexation automatique sur l'énergie" pour ne pas renégocier en permanence.
Une médiation, enfin, pourra être engagée en cas d'absence d'accord.
- Inquiétude sur le pouvoir d'achat -
"Il ne s'agit pas de faire le match retour des négociations", a toutefois prévenu Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), en amont de cette réunion.
A l'image du gouvernement, il dit attendre une certaine "transparence de la part des fournisseurs" pour justifier leurs demandes, précisant que les acteurs de la distribution tiendraient compte du coût de la matière première agricole.
Concernant les sanctions imposées aux fournisseurs en cas de prestations jugées insuffisantes, qui devraient faire l'objet d'un moratoire, M. Creyssel avait aussi estimé que ces pénalités logistiques devaient en effet "tenir compte des difficultés d'approvisionnement".
Quel sera l'impact cependant pour les consommateurs ? Pour Christiane Lambert, de la FNSEA, "il va falloir oser parler de hausses substantielles" du prix de l'alimentation. Le gouvernement, de son côté, estime qu'il est encore "trop tôt pour conclure sur l'inflation attendue en magasin".
Le sujet est d'autant plus sensible que le pouvoir d'achat est la principale préoccupation des Français, à moins d'un mois de l'élection présidentielle. Selon le panéliste NielsenIQ, la hausse moyenne des prix en février 2022 (par rapport à février 2021) est modérée, à 0,52%, mais beaucoup plus notable sur les marques de distributeurs premiers prix (+2,85%), pour lesquelles la matière première représente la part la plus importante du prix.
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J.M.Gillet--JdB