Ukraine: un théâtre à Marioupol bombardé, Zelensky devant le Bundestag
L'Ukraine cherche à savoir jeudi si le bombardement d'un théâtre où plusieurs centaines de civils se seraient réfugiés dans la ville assiégée de Marioupol avait fait des victimes, trois semaines exactement après le début de l'invasion russe.
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui lancé un nouvel appel à l'aide aux Occidentaux, cette fois devant le Parlement allemand.
"A Marioupol, l'aviation russe a sciemment lancé une bombe sur le Théâtre dramatique dans le centre ville. L'immeuble est détruit", a affirmé mercredi M. Zelensky. "Le nombre de morts n'est pas encore connu".
"Le monde doit finalement admettre que la Russie est devenue un Etat terroriste", a-t-il lancé.
La mairie de ce port stratégique sur la mer d'Azov a affirmé dans la nuit de mercredi à jeudi que "plus d'un millier" de personnes se trouvaient dans le théâtre.
Un député, Sergui Tarouta, a lui indiqué sur Facebook, sans citer ses sources, que des gens sortaient vivant des décombres, l'abri sous le théâtre ayant tenu.
Des responsables ukrainiens ont posté une photo semblant montrer ce bâtiment de trois étages en flammes et dévasté par une explosion.
C'est "une effroyable tragédie", a déclaré le maire Vadim Boïtchenko, accusant Moscou de se livrer à un "génocide" du peuple ukrainien.
La société américaine de technologies spatiales Maxar Technologies, spécialisée dans l'imagerie satellite, a publié une photo du théâtre, prise lundi selon elle.
La Russie a affirmé ne pas avoir bombardé la ville, et que l'immeuble avait été détruit par le bataillon nationaliste ukrainien Azov.
L'ONG Human Rights Watch (HRW) a indiqué manquer d'informations pour évaluer la situation à Marioupol.
"Nous ne pouvons pas exclure la possibilité d'une cible militaire ukrainienne dans la zone du théâtre, mais nous savons que le théâtre abritait au moins 500 civils", a indiqué Belkis Wille, de HRW.
Plus de 2.100 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre à Marioupol, selon les Ukrainiens. Des personnes ayant réussi à fuir la ville ces derniers jours pour Zaporojie, plus à l'ouest, ont raconté avoir fait fondre de la neige pour boire et cuire le peu de nourriture disponible sur des braseros.
"Cela empirait de jour en jour. Nous étions sans électricité, sans eau, sans gaz, sans nourriture, on ne pouvait rien acheter nulle part", a indiqué à l'AFP une femme prénommée Darya.
- Aide militaire massive à l'Ukraine -
A Washington, répondant à une journaliste, le président américain Joe Biden a accusé son homologue russe Vladimir Poutine d'être "un criminel de guerre".
Des propos "inacceptables et impardonnables", a répliqué le Kremlin.
Il a aussi indiqué que Washington allait aider l'Ukraine à se doter de systèmes de défense antiaérienne supplémentaires et de plus longue portée.
Ses annonces sont intervenues peu après que M. Zelensky eut lancé un appel à l'aide devant le Congrès américain.
Le président ukrainien multiplie les interventions par visioconférence devant les parlements occidentaux. Jeudi, devant le Bundestag qui l'a ovationné, il a appelé le chancelier Olaf Scholz à "détruire" le nouveau "mur" qui divise l'Europe.
- Bombardements meurtriers -
L'aide militaire américaine doit aider Kiev à continuer à résister aux forces russes, qui ne peuvent encore revendiquer la prise d'aucune des plus grandes villes ukrainiennes. L'armée russe a cependant fait des progrès importants en trois semaines dans le sud.
Dix personnes qui attendaient pour acheter du pain à Tcherniguiv, à 150 km au nord de Kiev, ont péri lorsque des forces russes ont ouvert le feu, a affirmé mercredi le parquet général ukrainien. Moscou a démenti, accusant des "nationalistes ukrainiens".
Selon le gouverneur militaire régional, 53 corps ont été amenés à la morgue.
Tcherniguiv subit de nombreuses frappes tout comme Kharkiv (nord-est), deuxième ville du pays, où au moins 500 personnes ont été tuées depuis le début de la guerre le 24 février.
A Kiev, une frappe sur un immeuble a tué une personne jeudi à l'aube.
"J'ai entendu un sifflement, et mon mari m'a appelée en criant. On habite au rez-de-chaussée, les fenêtres se brisaient. Le principal, c'est qu'on soit vivant", a indiqué à l'AFP Iryna Voïnovska, 55 ans, en sanglots. "Malheureusement, une femme est morte au 16e étage, écrasée par une gazinière".
La capitale reprenait lentement vie jeudi matin après la levée d'un couvre-feu imposé depuis mardi soir.
Mais les rues, ponctuées de checkpoints et de sacs de sable, restaient quasiment désertes. La ville s'est vidée d'au moins la moitié de ses 3,5 millions habitants.
Aucun bilan global n'a jamais été fourni, même si le président Zelensky a reconnu le 12 mars la mort d'"environ 1.300" militaires ukrainiens, tandis que Moscou a rapporté près de 500 morts dans ses rangs le 2 mars.
Selon le Parlement ukrainien, 103 enfants ont été tués dans le pays depuis l'invasion russe et une centaine blessés.
- Attaques contre le système de santé -
Plus de trois millions d'Ukrainiens ont déjà pris les routes de l'exil, en grande majorité vers la Pologne. Des milliers d'entre eux poursuivent leur voyage vers d'autres pays, comme la Suède: Stockholm estime qu'ils arrivent au rythme de près de 4.000 personnes par jour, et n'exclut pas d'en recevoir jusqu'à 200.000.
L'Organisation mondiale de la santé (OMS) a dénoncé elle les nombreuses frappes contre des infrastructures de santé.
"Cela commence à faire partie de la stratégie et des tactiques de la guerre. C'est totalement inacceptable", a déploré Michael Ryan, chef des urgences de l'OMS.
Dans ce contexte, la Cour internationale de justice (CIJ), plus haut tribunal de l'ONU, a ordonné mercredi à Moscou d'immédiatement interrompre ses opérations militaires. Décision rejetée par la Kremlin.
Imperturbable, Vladimir Poutine a martelé mercredi dans un discours que l'offensive était "un succès".
Face aux sanctions occidentales, qu'il a comparées à "un blitzkrieg", il a promis mercredi des aides financières aux particuliers et aux entreprises.
- Poursuite des pourparlers -
La détermination des deux camps n'empêchent pas la poursuite en parallèle de pourparlers, relancés lundi par visioconférence au niveau de délégations.
"Mes priorités dans ces négociations sont claires: fin de la guerre, des garanties de sécurité, souveraineté, rétablissement de notre intégrité territoriale, des garanties réelles pour notre pays", a détaillé M. Zelensky mercredi soir.
Selon le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, les négociateurs discutent désormais d'"un compromis", qui ferait de l'Ukraine un pays neutre sur le modèle de la Suède et de l'Autriche.
Sans démentir des discussions sur une neutralité, le négociateur en chef ukrainien Mykhaïlo Podoliak a rejeté l'idée d'un tel modèle.
"Le modèle ne peut être qu'+ukrainien+", avec des "garanties de sécurité absolues".
Le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l'Albanie, la France, la Norvège et l'Irlande ont demandé une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU jeudi après-midi.
burx-cat/pz
S.Vandenberghe--JdB