La Russie de Poutine envahit l'Ukraine, les combats s'approchent de Kiev
L'armée de Vladimir Poutine a lancé jeudi une attaque massive contre l'Ukraine, avec frappes aériennes et invasion terrestre, faisant en quelques heures des dizaines de morts avec des combats proches de Kiev et de la centrale de Tchernobyl, proche du Belarus.
L'invasion russe a déclenché un tollé dans la communauté internationale, surtout côté occidental. Les 27 pays de l'Union européenne se réunissaient en sommet jeudi après-midi à Bruxelles, le président américain Joe Biden devait s'exprimer à partir de 17H30 GMT et l'Otan a convoqué un sommet en visioconférence pour vendredi.
L'attaque a démarré à l'aube, après que Vladimir Poutine eut reconnu lundi l'indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass, puis fait valider mardi une intervention militaire par le Parlement russe.
"Nous n'avons pas dans nos plans une occupation des territoires ukrainiens, nous ne comptons rien imposer par la force à personne", a-t-il affirmé, appelant les militaires ukrainiens à "déposer les armes".
Pour justifier l'intervention, il a notamment répété ses accusations, infondées, d'un "génocide" orchestré par Kiev dans les territoires séparatistes prorusses, cité un appel à l'aide des séparatistes et dénoncé la politique agressive de l'Otan.
La Russie n'avait "aucun autre moyen" de se défendre, a-t-il affirmé lors d'un point presse jeudi soir.
- Combats à Tchernobyl -
Dès l'aube, juste après le discours de M. Poutine, des explosions ont retenti à Kiev, à Kramatorsk, ville de l'est qui sert de quartier-général à l'armée ukrainienne, à Kharkiv (est), deuxième ville du pays, à Odessa (sud), sur la mer Noire, et à Marioupol, principal port de l'est du pays.
Le président a proclamé la loi martiale dans le pays et annoncé la rupture des relations diplomatiques avec Moscou.
Dans la matinée, un membre de son équipe indiquait que "plus de 40 militaires ukrainiens avaient été tués, des dizaines blessés" et "près de 10 civils tués". Rien que dans la région d'Odessa, les autorités indiquaient que 18 personnes avaient été tuées dans un village par des frappes.
En début de soirée, les autorités de la région de Kherson (sud) ont par ailleurs fait état de 13 civils et neuf militaires tués, ainsi que de pertes territoriales.
Au fil des heures, les forces russes semblaient s'approcher de Kiev, où un couvre-feu a été imposé. Les autorités ukrainiennes ont indiqué que les forces terrestres russes étaient dans les environs de la capitale, et qu'un avion militaire ukrainien s'était écrasé dans la région avec 14 personnes à bord.
M. Zelensky a par ailleurs déclaré que l'armée ukrainienne tentait de reprendre un aéroport militaire près de Kiev, où des "parachutistes ennemis ont été stoppés".
Des combats se déroulaient aussi dans la zone de la centrale de Tchernobyl. Le président ukrainien a dit que des militaires ukrainiens y "sacrifiaient leur vie" à proximité du dépôt de déchets nucléaires pour éviter une nouvelle catastrophe nucléaire comme en 1986.
Les deux camps faisaient des déclarations invérifiables, mais l'armée russe semblait gagner du terrain. Dans la région de Kherson (sud), les autorités locales ont indiqué via Facebook que les troupes russes étaient présents dans plusieurs zones et avaient notamment pris le contrôle de la ville de Genichesky, à quelque 300 km à l'ouest de la frontière russe.
- "Je ne pensais pas que cela arriverait" -
A Kiev, dès l'aube, les habitants pris de court se pressaient dans le métro pour s'abriter ou tenter de quitter la ville.
Des voitures remplies de familles fuyaient la capitale, le plus loin possible de la frontière russe, située à 400 km.
D'autres étaient décidés à rester, comme Olena Chevchenko, employée d'une ONG. "Nous espérons un soutien international", indique-t-elle à l'AFP, "personne ne sait ce qui va se passer ensuite".
"Je ne pensais pas que cela arriverait de mon vivant", a aussi indiqué Olena Kourilo, 52 ans, éducatrice à Tchougouïv, près de Kharkiv, le visage barré de pansements suite aux blessures causées par une frappe qui a fait au moins un mort, a constaté l'AFP.
Sur les grandes routes de l'Est ukrainien, l'armée ukrainienne était partout. Un responsable de la défense civile a indiqué que les opérations d'évacuation de civils étaient entravées par des tirs d'artillerie nourris et des communications défaillantes.
En Pologne voisine, anticipant un afflux de réfugiés ukrainiens, le ministre de l'Intérieur a annoncé l'ouverture imminente de centres d'accueil. L'UE s'est dite aussi "pleinement préparée" à accueillir les réfugiés.
- Manifestations -
A Moscou, certains habitants exprimaient leur inquiétude, d'autres leur soutien à Vladimir Poutine.
"Ca ne me réjouit pas, je suis complètement inquiet", déclarait Nikita Grouschine, un manager de 34 ans, disant ne pas savoir "qui a raison ou tort".
Des rassemblements anti-guerre se sont tenus dans le centre de Moscou, sur la place Pouchine et la grande rue Tverskaïa, ainsi qu'à Saint Petersbourg. Des dizaines de personnes ont été arrêtées.
Les autorités russes ont prévenu qu'elles réprimeraient toute manifestation non autorisée.
"Je suis choquée. Mes proches vivent en Ukraine. Que leur dire au téléphone? +Tenez bon+?" a indiqué une manifestante moscovite, Anastassia Nestoulia. "Nous ne sommes pas nombreux, les gens ne veulent pas perdre leur vie paisible."
Des rassemblements pour dénoncer la guerre ont aussi eu lieu à Berlin, Paris ou Varsovie, en attendant une à New York plus tard.
L'attaque russe, après des mois de tensions et d'efforts diplomatiques pour éviter une guerre, a suscité une pluie de condamnations internationales, beaucoup redoutant qu'elle signale le début du plus grave conflit en Europe depuis 1945.
Joe Biden a dénoncé une "attaque injustifiée" et averti que "le monde exigerait des comptes de la Russie".
Le président français Emmanuel Macron a estimé que l'attaque constituait "un tournant dans l'histoire de l'Europe" et le chancelier allemand Olaf Scholz qu'elle "remettait en cause la paix" sur le continent.
Après de premières sanctions en début de semaine, les Européens promettaient d'en adopter d'autres lors de leur sommet de jeudi pour arriver à un "isolement sans précédent" des dirigeants russes.
Mais Moscou a promis une réplique "sévère" à ces sanctions. Les analystes soulignaient que Poutine a déjà montré qu'il ne craignait ni l'isolement ni d'ébranler l'ordre international, au contraire.
Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg a indiqué que l'Alliance atlantique avait activé "ses plans de défense" pour déployer des forces supplémentaires chez ses membres d'Europe de l'Est. Mais aussi répété que l'Otan n'avait "pas de plan" pour déployer des troupes en Ukraine.
- Panique sur les marchés -
Vladimir Poutine a averti ceux "qui tenteraient d'interférer": "Ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et entraînera des conséquences que vous n'avez encore jamais connues".
La Chine, qui entretient des relations étroites avec Moscou, a indiqué suivre "de près" la situation" et appelé à "la retenue de toutes les parties".
L'offensive russe intervient huit ans après que Moscou a annexé la Crimée et parrainé la prise de contrôle de régions du Donbass par des séparatistes prorusses, déclenchant un conflit régional qui a fait plus de 14.000 morts.
Elle a semé la tempête sur les marchés mondiaux, avec chute des Bourses et flambée des matières premières et des céréales.
Le pétrole a notamment franchi les 100 dollars le baril, une première depuis 2014.
La Bourse de Moscou a plongé de plus de 35% et le rouble a touché un plus bas historique face au dollar, avant l'intervention de la banque centrale du pays.
La directrice générale du FMI, Kristalina Georgieva, a prévenu que le conflit faisait peser "un important risque économique pour la région et le monde", alors que l'économie mondiale tente de se relever de la pandémie de Covid-19.
"La Russie reste partie intégrante de l'économie mondiale," a assuré Poutine à des hommes d'affaires. "Nous n'allons pas endommager un système économique mondial dont nous faisons partie."
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K.Laurent--JdB