Dernière séance à l'Assemblée nationale sous le choc de l'invasion de l'Ukraine
"La séance est levée": après cinq années remuantes, les travaux législatifs s'achèvent jeudi à l'Assemblée nationale à l'approche des échéances électorales, dans une journée bouleversée par l'invasion en cours de l'Ukraine par la Russie.
Le premier débat sur la situation sanitaire du Covid-19 est "un peu décalé par rapport à la situation qui nous préoccupe tous", après l'intervention militaire de la nuit, a reconnu le ministre de la Santé Olivier Véran au coup d'envoi des échanges, dans un hémicycle peu fourni.
Le chef de file des députés LREM, Christophe Castaner, a condamné la "tentative d'hégémonie" du président russe Vladimir Poutine qui "viole les droits internationaux".
Les groupes LR, PS et LFI ont réclamé au plus vite un débat devant le Parlement sur la crise russo-ukrainienne.
"La guerre a éclaté en Europe. Le terme d'invasion n'est pas trop fort. Rappelons que nos faiblesses d'aujourd'hui peuvent être nos fautes de demain", a lancé Philippe Gosselin (LR), appelant à ce que "la France soit à la pointe de la mobilisation".
Il ne faut "surtout pas entrer dans l'escalade", a jugé Mathilde Panot, présidente des députés insoumis.
"Nous serons aux côtés des forces de paix", a assuré le communiste Jean-Paul Lecoq. "Jacques Prévert disait: +Quelle connerie, la guerre+".
Très ému, le député des Français d'Europe de l'Est Frédéric Petit (MoDem) a dit avoir été en contact dans la nuit avec notamment l'école française d'Odessa en Ukraine. Le président russe fait selon lui "une déclaration de guerre culturelle, c'est l'anti-Europe".
- "sang-froid et unité" -
"Nous sommes tous saisis par une forme de stupéfaction et d'inquiétude", confie l'ancien patron des députés LREM, Gilles Le Gendre, dans les couloirs.
"Pour les responsables politiques, il y a une seule ligne: sang-froid et unité même en période électorale", plaide l'élu de Paris.
"Notre vie démocratique doit continuer quelles que soient les circonstances", exhorte la présidente de la commission des Lois Yaël Braun-Pivet.
Trois adoptions définitives de textes sont au menu dans l'après-midi, sur le sport, le harcèlement scolaire et le changement de nom de famille, et le rideau sera baissé. A moins que.
Le Parlement peut être convoqué à tout moment. Un comité de liaison parlementaire est déjà prévu vendredi à Matignon, que la cheffe de file des députés PS, Valérie Rabault, a demandé d'avancer.
Les messages "Stop War" ou "Stand with Russia" ont fleuri sur les comptes Twitter de nombre de parlementaires.
"Je suis inquiet des conséquences de la guerre menée par Poutine à l'Ukraine, sur notre pays et le quotidien des Français: hausse des prix du gaz et des prix des carburants", songe déjà François Jolivet (LREM). "Nous, députés, il est de notre devoir de réfléchir à des mesures de protection fiscale exceptionnelles".
Le Parlement n'a pas prévu à ce stade de siéger à nouveau avant le 28 juin, jour de l'ouverture de la XVIe législature à l'Assemblée nationale, après l'élection de 577 députés les 12 et 19 juin.
Quelle sera alors la majorité en place, dans la foulée de la présidentielle ? La question est dans toutes les têtes, et a donné lieu à une dernière séance bagarreuse de questions au gouvernement mardi au Palais-Bourbon.
Dans un hémicycle bondé, Maxime Minot (LR) a accusé l'exécutif d'être "prêt à tout pour rester au pouvoir, comme une moule (accrochée) à son rocher", quand François Ruffin (LFI) a brandi un chèque géant symbolisant les milliards accordés selon lui aux sociétés du CAC 40 sous ce quinquennat.
Dans les couloirs, les communistes ont distribué un "Livre blanc" du "progrès social, écologique et démocratique en cinq ans de macronie", riche d’une trentaine de pages… totalement blanches.
Le titulaire du perchoir, Richard Ferrand (LREM), a remercié l'ensemble des députés pour leur "engagement qui fait la vitalité de notre démocratie".
P.Claes--JdB