Journal De Bruxelles - La stérilisation en Inde: une charge, potentiellement dangereuse, réservée aux femmes

Euronext
AEX -0.64% 902.65
BEL20 -0.34% 4238.76
PX1 -0.8% 7554.82
ISEQ 0.08% 10006.43
OSEBX -0.39% 1405.45 kr
PSI20 -0.01% 6719.66
ENTEC -0.41% 1416.23
BIOTK 1.03% 2586.49
N150 -0.8% 3348.64
La stérilisation en Inde: une charge, potentiellement dangereuse, réservée aux femmes
La stérilisation en Inde: une charge, potentiellement dangereuse, réservée aux femmes / Photo: Oindree MUKHERJEE - AFP

La stérilisation en Inde: une charge, potentiellement dangereuse, réservée aux femmes

Dans une clinique indienne rurale, des cris de douleur retentissent depuis le bloc opératoire tandis que Kajal, sous forte sédation, attend fébrilement son tour pour sa stérilisation, première méthode de planning familial dans le pays.

Taille du texte:

"L'anesthésie n'a pas dû encore faire effet", déclare un assistant médical devant la clinique du village de Bhoodbaral, dans le nord du pays, où des femmes aux têtes couvertes de foulards colorés attendent pour subir une ligature des trompes.

Cette procédure de stérilisation banale, qui n'est pas sans danger en Inde, dure une cinquantaine de minutes.

Kajal, 25 ans, et son mari Deepak peinaient à joindre les deux bouts avec leurs trois enfants, alors il a été décidé qu'elle se ferait stériliser. Il n'était pas question pour lui d'opter pour une vasectomie, pourtant une procédure de 10 minutes.

"Je pense que cela me rendrait faible", explique Deepak, ouvrier dans une usine.

L'Inde est en passe de devenir le pays le plus peuplé du monde, selon les estimations de l'ONU publiés mercredi. Au milieu de cette année, elle comptera plus d'habitants que la Chine dont la population a diminué, l'an dernier, pour la première fois depuis 1960.

L'Inde a été le premier pays à adopter la planification familiale comme politique officielle en 1952, mais à la suite d'une campagne de stérilisation des hommes dans les années 1970, notoirement impopulaire, l'accent a finalement été mis sur celle des femmes.

Bien que les hommes aient la possibilité de recourir à une vasectomie non invasive, les femmes comme Kajal sont souvent incitées par les personnels de santé gouvernementaux à subir une opération, avec rétribution financière en espèces, équivalent à 22 euros.

- Vasectomie égale "impuissance" -

Selon Poonam Muttreja de l'organisation non gouvernementale Population Foundation of India, les craintes avancées par Deepak sont monnaie courante dans cette "société très patriarcale".

"Le mythe (de la vasectomie) le plus répandu parmi les hommes et les femmes est qu'un homme perd sa virilité", déclare Mme Muttreja à l'AFP.

"C'est juste une croyance. Mais la croyance est la réalité pour les gens" en Inde, fait-elle valoir.

"Les gens croient à tort que la vasectomie sans scalpel conduit à l'impuissance", confirme le Dr Ashish Garg, surintendant médical du centre de santé de Bhoodbaral, "c'est tabou".

D'avril 2022 à mars de cette année, plus de 180 femmes et seulement six hommes ont été stérilisés dans ce centre.

Les centres de stérilisation sont nombreux en Inde, en particulier dans les vastes zones rurales où vivent les deux tiers de la population, et les actes de chirurgie bâclés.

L'année dernière, quatre femmes sont décédées et neuf autres ont dû être hospitalisées après une stérilisation dans l'État méridional de Telangana.

En 2014, au moins 11 femmes sont mortes après avoir été stérilisées dans un centre de santé dans l'État central du Chhattisgarh.

Selon Mme Muttreja, le gouvernement doit faire plus pour promouvoir la contraception. "C'est une pilule magique", dit-elle mais il faut aussi inciter les hommes à se faire stériliser.

Harbir Singh, habitant de Bhoodbaral, âgé de 64 ans, n'en démord pas: selon lui, la vasectomie prive les hommes de la "force" dont ils ont besoin pour travailler et nourrir la famille.

"L'homme doit sortir et rapporter de l'argent (...) Les femmes font à manger et restent à la maison", ajoute-t-il.

Les mentalités ne changeront qu'à la faveur d'une volonté politique et d'une meilleure éducation, estime Poonam Muttreja.

"Investir dans la santé et l'éducation réduit les coûts économiques pour la famille et mais aussi pour le pays".

B.A.Bauwens--JdB