Journal De Bruxelles - Quand des étudiants en design contribuent aux neurosciences

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Quand des étudiants en design contribuent aux neurosciences
Quand des étudiants en design contribuent aux neurosciences / Photo: FRANCOIS NASCIMBENI - AFP

Quand des étudiants en design contribuent aux neurosciences

Crayons en main, des étudiants en design et en arts plastiques assistent à une opération du cerveau à l'hôpital de Reims. Une présence a priori incongrue parmi les chirurgiens, mais qui est en réalité au coeur d'un projet de recherche médicale.

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L'objectif: compléter par du graphisme interactif les représentations du cerveau obtenues via l'imagerie médicale, qui restent incomplètes.

Certains étudiants dessinent l'opération, la salle, les instruments médicaux. D'autres photographient, filment et enregistrent les explications du neurochirurgien Benoît Marlier, penché sur un patient de 76 ans, qu'il opère d'une tumeur cérébrale diffuse, mêlée aux tissus sains.

Avant la chirurgie moderne, basée sur des technologies comme les rayons X et l'imagerie numérique, "il y a toujours eu des artistes anatomistes pour aller voir et décrire un cerveau, depuis l'Antiquité", rappelle le designer graphique et numérique Olaf Avenati.

Cet enseignant à l'Ecole supérieure des arts et du design (Esad) de Reims, spécialisé en datavisualisation, est l'un des trois co-porteurs de "Brain Roads", un programme de recherche interdisciplinaire franco-allemand en neurochirurgie né en 2019 à Berlin.

Le nom Brain Roads annonce "le programme: essayer de suivre les chemins du cerveau" et de "comprendre les chemins impliqués dans les soins d'une tumeur" cérébrale, explique M. Avenati.

- Le numérique, un guide imparfait -

"On va partir d'un dessin d'observation pour faire du processing" c'est-à-dire du design génératif, dans lequel une intelligence artificielle (IA) complète le dessin, expose Hilaire Tizon, l'un des étudiants de l'Esad.

"Mon métier de graphiste est de rendre accessible une information, encore plus cette information très complexe qu'est le cerveau", ajoute-t-il en sortant du bloc opératoire.

Malgré les technologies pour observer le cerveau, IRM, scanner ou électroencéphalographie, ne permettent pas de le représenter de façon complète.

Elles ont ainsi leurs limites pour guider les neurochirurgiens, explique le docteur Marlier: "Quand on ouvre un cerveau, tout bouge, donc l'IRM devient fausse". Or, "notre but, lorsqu'il s'agit de tumeurs diffuses de bas grade, est d'en enlever le maximum" mais en évitant "le millimètre de trop", pour préserver autant que possible la qualité de vie du patient.

Benoît Marlier fait partie de la vingtaine de chirurgiens du cerveau en France à pratiquer cette chirurgie dite "éveillée", avec une simple anesthésie locale et en opérant à l'oeil nu, sans microscope.

Brain Roads consiste à mettre au point un nouveau langage graphique pour mieux aligner le réel observé à l'oeil nu et les données numériques, et ainsi "créer une pensée globale des images du cerveau", explique M. Avenati.

Le secteur de l'IA "est aussi très intéressé par ces modèles", car "le machine learning est inspiré de ce qu'on peut comprendre du cerveau", souligne le designer.

- Un pont entre deux mondes -

Des ateliers similaires à celui de Reims début mars ont déjà eu lieu à Berlin et Montpellier dans le cadre de Brain Roads. L'accumulation de ces différentes observations sur le terrain devrait aboutir, courant 2026, à un logiciel élaboré par l'école d'ingénieurs du numérique Télécom SudParis.

En résumé, cet outil doit intégrer les images numériques complétées avec des modèles de représentation innovants de Brain Roads, pour permettre une visualisation et une exploration optimisée du cerveau.

Brain Roads étant un programme de recherche publique, ce logiciel devrait être accessible en open source, c'est-à-dire gratuitement et avec la possibilité pour des chercheurs de continuer à le développer au fur et à mesure.

"On ne va pas déposer de brevet, en revanche nous accompagnerons son développement", car "bien sûr", une large diffusion de cet outil dans la communauté des neuroscientifiques et neurochirurgiens "nous intéresse", assure M. Avenati, qui enseigne également à TélécomSudParis.

Patricia Ribault, maîtresse de conférences en arts plastiques de l'université Paris 8 et autre co-porteuse de Brain Roads, apprécie le pont entre deux mondes que permet ce projet.

"Qu'est-ce que la création (artistique, NDLR) peut apprendre des mécanismes complexes" du cerveau, et "qu'est-ce que la science et la médecine, qui produisent beaucoup d'images, peuvent apprendre des pratiques graphiques et artistiques?" s'interroge-t-elle.

A.Parmentier--JdB