Liz Truss menacée fait de nouvelles concessions et sacrifie son ministre des Finances
Une nouvelle volte-face et le limogeage de son ministre des Finances: la Première ministre britannique Liz Truss s'est évertuée vendredi à redresser la barre d'un gouvernement aux abois, une tentative qui n'a pas semblé totalement réussir.
Déjà menacée à son poste après un mois au pouvoir, Liz Truss s'est résignée à annoncer un nouveau revirement sur son programme économique et à se séparer du chancelier de l'Echiquier, Kwasi Kwarteng, un de ses plus proches alliés.
"Il est clair que certaines parties de notre mini-budget allaient trop loin et trop vite par rapport à ce que les marchés attendaient", a reconnu Mme Truss lors d'une brève conférence de presse en début d'après-midi, avant d'annoncer qu'elle se résolvait à augmenter l'impôt sur les sociétés comme l'avait prévu le précédent gouvernement conservateur.
Mais la Première ministre conservatrice s'est aussi dit "absolument déterminée à tenir" sa promesse d'"une croissance plus forte" pour l'économie britannique.
Sur la sellette après 38 jours au pouvoir, Liz Truss a annoncé que Kwasi Kwarteng serait remplacé par Jeremy Hunt.
"Vous m'avez demandé de démissionner en tant que chancelier" de l'Echiquier, "j'ai accepté", a écrit Kwasi Kwarteng dans une lettre à sa "collègue et amie" Liz Truss.
Il était rentré précipitamment vendredi matin de Washington où il assistait aux réunions annuelles du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
Ce qui se passe au Royaume-Uni "démontre à quel point la situation est volatile et que la prudence doit être aussi au coeur de notre mix budgétaire et monétaire", a estimé depuis Washington le commissaire européen à l'Economie Paolo Gentiloni.
- "dégâts" pas réparés -
A 55 ans, Jeremy Hunt est un proche de Rishi Sunak, ancien ministre des Finances de Boris Johnson et adversaire de Truss dans la course à Downing Street. Il doit contribuer à "rassurer les marchés", en plein tourment depuis l'annonce le 23 septembre d'un paquet de mesures budgétaires de plusieurs dizaines de milliards de livres au financement flou.
A peine nommé, le quatrième ministre des finances conservateur depuis 2016 s'est rendu à Downing Street. Et le ministère des Finances a confirmé qu'il présenterait le 31 octobre le plan budgétaire à moyen terme du gouvernement, comme était supposé le faire Kwarteng.
Mais cette conférence de presse éclair, le nouveau revirement et ce mini-remaniement, suffiront-ils à ramener la "stabilité" économique voulue par Mme Truss et à ressouder les rangs conservateurs ?
Après sa prise de parole, la livre accentuait encore son recul et le coût de la dette britannique, en repli depuis plusieurs jours, remontait légèrement, au moment aussi où la Banque d'Angleterre cessait son action d'urgence pour apaiser les marchés.
"Changer de chancelier ne défait pas les dégâts causés par Downing Street", a déclaré le chef de l'opposition travailliste Keir Starmer, accusant Liz Truss d'avoir "ravagé l'économie".
"Je doute que (le renvoi de Kwarteng) suffise à régler les problèmes qu'elle a", a dit à l'AFP Tony Travers, professeur à la London School of Economics, doutant aussi que sa conférence de presse ait "beaucoup rassuré ses collègues".
La Première ministre, qui n'a répondu qu'à quatre questions de journalistes avant de s'éclipser, s'est exprimée dans un contexte particulièrement tendu au sein de son parti.
- "zombie" -
Selon la presse britannique, certains députés de son camp sont déjà à la manœuvre pour l'évincer, face à des sondages désastreux prédisant une défaite cuisante de la majorité conservatrice aux prochaines élections générales de 2024.
Si certains, comme le député Bernard Jenkin, président du Comité de liaison de la Chambre des communes, ont appelé "au calme" dans les rangs conservateurs, d'autres ont remis en cause sa décision d'évincer Kwarteng.
"Dur de comprendre pourquoi la Première ministre a limogé un chancelier (...) qui a défendu les mesures sur lesquelles elle a été élue", notait sur Twitter le député conservateur Roger Gale.
La presse n'était pas beaucoup plus tendre avec Liz Truss. Selon le Financial Times, elle est désormais une Première ministre "zombie", tandis que le Guardian s'interroge: "combien de temps peut-elle rester ?"
Les Britanniques confrontés ces dernières semaines à des taux d'emprunt immobilier qui montent en flèche et à une inflation à 10%, perdent aussi patience.
Avant le limogeage de M. Kwarteng, 59% des Britanniques pensaient que Liz Truss devrait démissionner, selon YouGov, et 43% des électeurs conservateurs.
A.Martin--JdB