La majorité entame dans la douleur l'examen du budget, sous l'ombre du 49.3
La majorité a essuyé d'entrée une première défaite lors de l'examen du budget 2023 à l'Assemblée mercredi, sous l'ombre toujours plus menaçante du déclenchement de l'article 49.3 de la Constitution par l'exécutif.
D'emblée, les oppositions ont réussi à rejeter en première lecture l'article "liminaire" du projet de loi de finances (PLF) par 192 voix contre 175, dans lequel figurait l'objectif-clé de contenir le déficit public à 5% du PIB en 2023.
"Vous êtes réunis Nupes, Rassemblement national, LR, pour priver la France de tout cap", a dénoncé le ministre des Comptes publics, Gabriel Attal.
Peu avant l'ouverture de la séance au Palais Bourbon, le Conseil des ministres a autorisé le gouvernement à actionner le fameux article 49.3, une arme constitutionnelle qui permet d'adopter un texte sans vote, sauf motion de censure.
Le député LFI Eric Coquerel, président de la Commission des finances à l'Assemblée, a aussitôt dénoncé un "chantage au 49.3" devant la presse.
"Nous voyons déjà l'épée de Damoclès poindre", a renchéri dans l'hémicycle le député Boris Vallaud, chef de file des socialistes. "Combien de temps laissez-vous au débat parlementaire?", a-t-il demandé au gouvernement.
"Nous prendrons tout le temps nécessaire" à un "débat approfondi", a assuré le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, même si "viendra un moment où il faudra bien qu'il y ait un budget pour la France". Selon lui, le gouvernement prendra alors "ses responsabilités".
Trop dispendieux pour la droite, "austéritaire" pour la gauche, "soumis" à Bruxelles selon le RN: les oppositions ont exclu de soutenir ce budget, qui fixe l'objectif de contenir le déficit public à 5% du PIB malgré des mesures comme le "bouclier tarifaire" de 45 milliards d'euros pour limiter à 15% les hausses des prix réglementés du gaz et de l'électricité.
Il prévoit aussi une augmentation des enseignants ou la création de plus de 10.000 postes de fonctionnaires, dont 3.000 policiers et gendarmes.
Si l'utilisation du 49.3 semble désormais certaine, la majorité est tiraillée entre la nécessité de laisser d'abord le débat se tenir et celle d'"abréger les souffrances" face à des oppositions qui "voteront contre tout".
- Quel texte soumis au 49.3? -
En attentant que le couperet tombe, la majorité seulement relative dont disposent les macronistes laisse augurer de nombreuses défaites sur des amendements de l'opposition.
"Si, dans les deux-trois jours, nous arrivons à modifier votre budget, est-ce que vous respecterez la représentation nationale?", a demandé l'Insoumis Alexis Corbière, exhortant le gouvernement à dire clairement si le texte qu'il ferait adopter par le 49.3 tiendrait compte des votes successifs de l'Assemblée.
Le gouvernement a toute latitude sur ce point. "On peut revenir au texte initial, retirer des amendements adoptés, inclure des amendements pas encore discutés", rappelle une source parlementaire Renaissance.
Mardi, les macronistes avaient déjà eu un avant-goût des risques que leur fait courir l'absence de majorité absolue, avec le détricotage par les oppositions d'un autre texte budgétaire.
Plusieurs articles clés de la loi de programmation budgétaire 2023-2027 ont en effet été rejetés en première lecture par les oppositions, hostiles au texte pour des raisons souvent diamétralement différentes.
Si la majorité avait réussi à faire passer la trajectoire de réduction du déficit sous les 3% d'ici 2027, elle avait ensuite essuyé une série de défaites.
Parmi les articles rejetés: celui qui fixait la stabilité des effectifs de la fonction publique sur le quinquennat et un autre fixant les budgets alloués aux missions de l'Etat, puis trois autres concernant les collectivités territoriales.
P.Renard--JdB