La Banque d'Angleterre intervient encore, le FMI appelle Londres à aller dans son sens
La Banque d'Angleterre est à nouveau intervenue mardi face aux "dysfonctionnements" de marchés et risques "d'instabilité financière" sans toutefois rassurer les investisseurs, tandis que le FMI a appelé Londres à ne pas contrarier les efforts la politique monétaire.
La banque centrale avait déjà lancé le 28 septembre un programme de rachat de bons du Trésor à long terme pouvant aller jusqu'à 65 milliards de livres.
Elle a porté lundi la taille maximale de ses opérations quotidiennes à 10 milliards de livres. Mardi, elle a élargi son action aux "bons indexés" sur l'inflation, qui représentent environ un tiers des bons du Trésor britannique.
L'opération n'a pas encore calmé le marché de la dette britannique et les taux d'emprunt de l'Etat à 30 ans ont fini en hausse à 4,80%.
La Banque d'Angleterre a décrit "un risque important pour la stabilité financière du Royaume-Uni".
Le Fonds monétaire international (FMI), lors d'une conférence de presse mardi pour la publication de ses dernières prévisions économiques, a rappelé que la stabilité financière fait partie du "mandat des banques centrales".
"D'une part, elles continuent le resserrement monétaire face aux pressions inflationnistes et en même temps font face à des poches de dysfonctionnement des marchés, dans le cas du Royaume-Uni, peut-être les fonds de pension et les investissements LDI", a commenté le conseiller économique du FMI Pierre-Olivier Gourinchas.
- Deux personnes au volant -
La flambée des taux d'emprunt de l'Etat - qui représentent le coût auquel le Royaume-Uni se finance - s'accompagne d'un plongeon du cours de ces titres, signe d'une défiance des investisseurs qui s'en délestent.
Or, ces actifs sont très prisés des fonds de pension britanniques. En outre, nombre de ces fonds utilisent des stratégies dites de LDI ("Liability driven investments") qui utilisent des dérivés notamment de titres de dette d'Etat.
Vu la chute de la valeur de ces actifs ces derniers jours, ils doivent réinjecter des liquidités - le phénomène des appels de marge. Ce qui les force à vendre rapidement des titres. D'où un risque de spirale baissière incontrôlée et de marché où les actifs ne trouvent plus preneur.
La BoE est notamment intervenue pour rompre ce cercle vicieux et éviter une fragilisation des fonds de pension et une propagation à d'autres marchés et à l'économie réelle.
Mais ses rachats de titres de dette d'Etat ne sont prévus que jusqu'à vendredi et les investisseurs s'inquiètent pour la suite. D'où la fébrilité qui persiste.
Le gouvernement de Liz Truss avait mis le feu aux poudres en présentant le 23 septembre un "plan de croissance" composé d'un colossal soutien aux factures électriques combiné à de vastes baisses d'impôts, sans que ces actions soient pleinement chiffrées ou financées.
Les investisseurs se sont mis à solder certains actifs britanniques: la livre sterling a plongé à son plus bas historique et le cours des titres de dette à long terme a fondu.
Le Chancelier de l'Echiquier Kwasi Kwarteng a tenté de calmer le jeu en avançant, face aux appels répétés d'économistes ou de parlementaires, une présentation budgétaire au 31 octobre, au lieu du 23 novembre.
Une décision saluée par le FMI même si M. Gourichas a critiqué l'action de Downing Street.
"Les objectifs de la politique budgétaire devraient être alignés sur ceux de la politique monétaire. Si vous avez une banque centrale qui essaie de resserrer" ses taux face à une inflation élevée comme c'est le cas au Royaume-Uni, et qu'en même temps le gouvernement "veut stimuler la demande" avec un paquet budgétaire massif, "c'est comme d'avoir une voiture avec deux personnes qui essaient de tourner le volant dans une direction différente", a-t-il fait valoir.
Le Fonds, dans son rapport d'automne sur l'économie mardi, prévoit un ralentissement important de l'actitvité économique britannique (croissance projetée en légère hausse à 3,6 % en 2022 mais moindre en 2023 à 0,3%).
Il juge que même si le gouvernement parvient à doper légèrement et à court terme le Produit intérieur brut (PIB) avec ses annonces budgétaires, il compliquera en même temps la lutte contre l'inflation vu leur ampleur et le financement prévu par emprunt.
Les marchés britanniques risquent donc de rester turbulents jusqu'à la présentation de M. Kwarteng le 31 octobre, qui va se retrouver sous pression d'ici là à trouver des baisses de dépenses gouvernementales pour financer son couteûx "plan de croissance".
R.Cornelis--JdB