Les autorités britanniques avancent de concert pour rassurer les marchés
Le ministre des Finances britannique a annoncé qu'il avançait au 31 octobre la présentation de prévisions budgétaires très attendues, tandis que la Banque d'Angleterre dévoile de nouvelles mesures de soutien aux marchés, pour calmer les turbulences financières déclenchées par les annonces fiscales massives et non chiffrées du gouvernement le mois dernier.
Dans une lettre à la Commission au Trésor du Parlement, le Chancelier de l'Echiquier Kwasi Kwarteng indique que les calculs de l'OBR, organisme public indépendant de prévisions budgétaires, sur l'impact de ses mesures seront désormais publiées le 31 octobre au lieu du 23 novembre initialement prévu.
Des mesures de financement sont espérées par économistes et investisseurs pour éviter une envolée de la dette comparée aux recettes de l'Etat.
Le Chancelier de l'Echiquier avait mis le feu aux marchés fin septembre avec un budget comprenant de vastes aides aux factures énergétiques, face à la crise du coût de la vie, mais aussi d'importantes baisses d'impôts ciblant surtout les ménages les plus aisés.
L'ensemble n'était pas chiffré mais les économistes évaluaient ce paquet de mesures à un montant colossal de 100 à 200 milliards de livres.
Sans mesures d'économies prévues, il devait être financé entièrement par emprunt sur les marchés à une période où les taux d'intérêts augmentent fortement, face à une inflation très élevée de près de 10% au Royaume-Uni, la plus élevée du G7.
Les investisseurs ont commencé à douter de la capacité de l'Etat à rembourser sa dette à long terme et se sont délestés des actifs britanniques, faisant plonger la livre sterling à son plus bas historique, et s'envoler les taux d'emprunt de Londres à long terme.
- Peur pour Halloween? -
Face à un risque de spirale baissière sur les titres obligataires à long terme qui fragilisait les fonds de pension et risquait de se propager aux conditions de crédit pour les ménages comme les entreprises, la banque d'Angleterre a dû intervenir à partir du 28 septembre.
Elle avait lancé un programme pouvant aller jusqu'à 65 milliards de livres de rachat de bons du Trésor à long terme pour empêcher un effondrement de la liquidité sur ce marché et apaiser la volatilité des cours et des taux.
Lundi, la Banque d'Angleterre a parallèlement annoncé de nouvelles mesures pour assurer la liquidité sur le marché des bons de l'Etat à long terme et assurer une fin "ordonnée" vendredi de son programme de rachat de bons à long terme.
La présentation budgétaire de Kwasi Kwarteng le 23 septembre avait été unanimement condamnée, le FMI lançant un rare et cinglant appel à rectifier le tir, et les agences de notation abaissant leur perspective sur la dette britannique.
Kwasi Kwarteng se rend à Washington cette semaine, comme le gouverneur de la Banque d'Angleterre Andrew Bailey, pour les assemblées d'automne du Fonds monétaire international (FMI) et tentera de rassurer la communauté financière internationale sur la crédibilité de son plan.
"L'intervention de la banque centrale a aidé à calmer les marchés de la dette du gouvernement mais il reste des inquiétudes sur ce qui va se passer la semaine prochaine après que son programme de soutien aura pris fin, et sur la possibilité que les dysfonctionnements reviennent", commente Victoria Scholar, analyste de Interactive Investor.
Le rendement des obligations d'Etat à 30 ans, qui était monté de 3% début septembre à plus de 5,14%, un sommet depuis 1998, avant l'intervention de la BoE, évoluait encore lundi vers 11H25 GMT à 4,54%.
La livre, de son côté, se retrouvait de nouveau sur la défensive et cédait 0,23% à 1,1070 dollar, face à un billet vert plus vigoureux que jamais.
"Face à une livre qui reste faible et les coûts d'emprunt du gouvernement qui remontent à des niveaux inquiétants, le gouvernement britannique et la banque d'Angleterre ont lancé une tentative double pour calmer les marchés", relève pour sa part Susannah Streeter, analyste de Hargreaves Lansdown.
L'avancement de la présentation des prévisions budgétaires entend "rassurer les investisseurs sur le fait que les baisses d'impôts conséquentes sont financées et ne vont pas voir la dette bondir à des niveaux non gérables", ajoute-t-elle.
Les nouvelles actions de l'institut monétaire veulent de leur côté "empêcher de nouveaux problèmes pour les fonds de pension" mais pour l'instant "n'ont pas beaucoup réussi à faire bouger le curseur" et "le marché pourrait de nouveau prendre peur pour Halloween" - le 31 octobre jour de la présentation budgétaire de M. Kwarteng.
K.Laurent--JdB