TotalEnergies: la grève continue, le sommet de l'Etat fait pression pour résoudre la crise
Appel à la "responsabilité": la cheffe du gouvernement Elisabeth Borne a appelé vendredi directions et syndicats des groupes pétroliers à sortir de la crise et mettre fin aux grèves qui provoquent depuis plusieurs jours de graves problèmes d'approvisionnement.
"J'appelle vraiment à la responsabilité les directions et les représentants des salariés de ces entreprises pour que ces négociations salariales - puisque c'est de ça qu'il s'agit - aboutissent et ne pénalisent pas les Français", a déclaré la première ministre à l'issue d'une intervention à Bordeaux, lors de la Convention des intercommunalités de France.
Un peu plus tôt, de nombreux ministres ont tenté de raisonner les acteurs du conflit et notamment TotalEnergies.
"J'appelle les entreprises concernées, qui, pour la plupart, ont quand même de bons résultats, à considérer aussi les demandes d'augmentation de salaire", a déclaré Olivia Grégoire, ministre déléguée aux Petites et moyennes entreprises, sur Franceinfo, sans citer nommément TotalEnergies et ses 10,6 milliards de dollars de bénéfice au premier semestre.
Le PDG Patrick Pouyanné ne s'est pas exprimé publiquement sur la grève, mais dans une vidéo interne au groupe mardi, il a reconnu que "les résultats de la Compagnie sont exceptionnels en 2022 et nous ne vous oublierons pas".
"Tous les collaborateurs, tous nos collègues recevront leur juste récompense sur leur fiche de paie avant la fin de l'année", a promis M. Pouyanné, leur assurant qu'ils étaient "prioritaires dans le partage de la prospérité".
Alors que la CGT réclame 10% d'augmentation sur 2022 - 7% pour l'inflation, 3% pour "le partage de la richesse" -, la direction rappelle depuis le début qu'elle a octroyé des mesures salariales représentant une augmentation moyenne de 3,5% en 2022 et renvoie à une séance de négociations prévue le 15 novembre... pour les salaires de 2023.
Aux dernières nouvelles, elle semblait inflexible sur ce calendrier et réticente à revenir dans l'immédiat à la table des négociations.
La plus grande raffinerie de TotalEnergies, près du Havre (Seine-Maritime), est à l'arrêt. D'autres sites du groupe sont en grève. Et les deux raffineries françaises de son concurrent américain Esso-ExxonMobil sont aussi à l'arrêt, dans les deux cas à l'appel de la CGT, afin d'obtenir une hausse des salaires.
- "Difficultés importantes" -
Les camions-citernes seront exceptionnellement autorisés à circuler dimanche pour livrer les stations, a annoncé le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, sur LCI.
Chez le pétrolier français, outre sa raffinerie de Normandie, les grévistes étaient massivement mobilisés au dépôt de carburants de Flandres, près de Dunkerque (Nord), à la "bio-raffinerie" de La Mède (Bouches-du-Rhône) et au dépôt de carburants de Grandpuits (Seine-et-Marne) notamment, pour limiter au maximum la sortie de produits pétroliers, selon la CGT.
A la raffinerie de Feyzin (Rhône), il y avait "entre 80 et 100% de grévistes" dans le service stratégique des expéditions, a indiqué à l'AFP Pedro Afonso (CGT).
Les blocages des grévistes entraînent une baisse des livraisons de carburant, les stations-service sont donc plus souvent en rupture de stocks d'essence ou de diesel. TotalEnergies gère près du tiers des stations françaises.
Mais le groupe met aussi les perturbations sur le compte du succès de la remise à la pompe de 20 centimes qu'il accorde depuis le 1er septembre, en sus de la ristourne de l'Etat de 30 centimes.
Actuellement, 15% des stations-service sont concernées par un manque d'un ou plusieurs carburants, selon un chiffre cité par plusieurs ministres.
Le comportement de certains automobilistes a poussé l'Etat à interdire la vente et l'achat de carburant dans des jerricans et bidons, notamment dans certains départements des Hauts-de-France, où les stations TotalEnergies comme de ses concurrents ont été prises d'assaut.
Parfois, ce sont les gérants des stations eux-mêmes qui font la police, comme dans cette station-service Agip des quartiers chics de Marseille, vendredi, où une longue queue d'automobilistes étaient prêts à tout pour remplir leur réservoir.
"C'est comme ça depuis 5H00 du matin et depuis plusieurs jours", témoigne Ali Mansoibou, qui tient la station et qui limitait le passage à la pompe à 30 euros par personne. "J'ai été livré ce matin, mais il n'y aura plus rien ce week-end", dit-il.
Afin d'apaiser la situation, le gouvernement a activé ponctuellement l'utilisation des stocks stratégiques de l'Etat, dans les régions les plus affectées.
E.Goossens--JdB