En région parisienne, un hiver de vigilance pour les anges gardiens de l'électricité
"Notre boulot, c’est d’éviter les black-out": dans leur salle de commandement aux allures de vaisseau spatial, à Montigny-le-Bretonneux (Yvelines), près de Paris, les aiguilleurs des routes de l'électricité pour toute l'Ile-de-France et la Normandie se préparent à un hiver très particulier pour la sécurité énergétique.
Derrière leurs murs d'écrans striés de lignes rouges et vertes, les "dispatcheurs" surveillent 24h/24, 7 jours sur 7 la bonne alimentation des réseaux électriques des deux régions en "mode crise" permanent.
"Ça ne s’arrête jamais", résume Xavier Piechaczyk, le président du gestionnaire du réseau de transport d'électricité (RTE). "Les gens qui sont là travaillent jour et nuit pour vous assurer d’avoir de la lumière et de l'électricité chez vous ou au travail à chaque seconde", explique celui qui accueillait jeudi la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier-Runacher dans le centre de répartition.
Tempête, orage, neige, incident sur un chantier... "Le dispatcheur est formé à faire face à toutes les éventualités", détaille Stéphane Favier, directeur régional d'exploitation pour RTE.
"Et comme Bison futé, on peut mettre en place des itinéraires bis pour faire circuler l'électricité ailleurs si besoin", poursuit-il.
Le rôle d'un tel centre est en effet de veiller au transport optimal de l'électricité sur les lignes de 63.000 à 225.000 volts, autrement dit les "routes nationales et départementales" de l'électricité. Six autres entités régionales de ce type maillent l'ensemble du territoire national.
Toutes sont en lien avec le centre national de l'exploitation du système (Cnes) de RTE situé à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), la "tour de contrôle des autoroutes de l'électricité". Sa mission est de gérer à chaque seconde l'adéquation entre la production d'électricité et la demande, les flux d'électricité sur les lignes très haute tension (400.000 volts) ainsi que les échanges transfrontaliers - qui s'avèreront cruciaux pour la solidarité entre pays européens pendant les pics de froid cet hiver.
- "solidaire et responsable" -
Contrairement au gaz, l'électricité ne se stocke pas en grande quantité, d'où l'importance d'ajuster en temps réel l'équilibre production-demande pour éviter l'écroulement, la perte de contrôle généralisée.
"Notre boulot c'est éviter les black-out", résume M. Piechaczyk.
Cette année, la tâche de RTE est d'autant plus cruciale qu'un "risque de tension accrue" plane sur l'électricité hivernale dans le contexte de la crise énergétique européenne, qui fait redouter des pénuries d'énergie. S'ajoute à cela un autre problème de taille pour la France qui se voit privée d'environ la moitié de ses 56 réacteurs nucléaires, à l'arrêt en raison de travaux ou de problèmes de corrosion, ce qui a fait chuter la production nucléaire d'EDF au plus bas cette année.
"Pour l'heure, la courbe de charge journalière (de consommation) est typique du printemps-été-début d'automne, mais elle va se transformer en hiver", souligne M. Favier.
A l'heure actuelle, le pic de consommation avoisine les 52 GW vers 13H00. A l'arrivée de l'hiver, le pic passe à 85-95 GW (jusqu'à 102 GW en février 2012, un record) et dure de 8H à 13H, avec un autre pic entre 18H00 et 20H00. Dans ces moments de la journée, la France s'éclaire, cuisine, se chauffe, fait tourner ses commerces et entreprises en même temps.
"Si on rencontre des périodes de tension, il faudra qu’on soit solidaire et responsable et qu'à ces heures de la journée on fasse tous des gestes pour réduire ou reporter notre consommation", martèle le président de RTE.
En attendant, les équipes de M. Favier à Montigny se tiennent prêtes pour le passage de l'hiver, "c'est comme d'habitude".
E.Heinen--JdB