Macron attendu en Algérie pour relancer la relation bilatérale
Le président français, Emmanuel Macron, entame jeudi une visite officielle de trois jours en Algérie, destinée à tourner la page des brouilles et à "refonder" une relation qui reste marquée par le poids du passé.
Accompagné d'une importante délégation comprenant sept ministres, le chef de l'Etat sera accueilli à sa descente d'avion par son homologue, Abdelmadjid Tebboune, vers 15H00 (14H00 GMT).
Les deux présidents se rendront ensuite au Monument des Martyrs, haut lieu de la mémoire algérienne de la guerre d'indépendance (1954-1962) face à la France, avant un tête-à-tête et un dîner au palais présidentiel.
La visite coïncide avec le 60e anniversaire de la fin de la guerre et la proclamation de l'indépendance de l'Algérie en 1962.
Déterminé à orienter cette visite vers "la jeunesse et l'avenir", M. Macron rencontrera aussi de jeunes entrepreneurs algériens avant de se rendre à Oran (ouest), la deuxième ville du pays, réputée pour son esprit de liberté, incarné par le raï dans les années 80.
C'est la deuxième fois que M. Macron se rend en Algérie en tant que président, après une première visite en décembre 2017, au tout début de son premier quinquennat.
Les relations entre les deux pays s'annonçaient alors prometteuses avec un jeune président français, né après 1962 et libéré du poids de l'histoire, qui avait qualifié la colonisation française de "crime contre l'humanité".
- "Nécessité politique" -
Mais elles ont rapidement tourné court, rattrapées par des mémoires qui restent difficilement conciliables après 132 ans de colonisation, une guerre sanglante et le départ d'un million de Français d'Algérie en 1962.
M. Macron a multiplié les gestes mémoriels, reconnaissant la responsabilité de l'armée française dans la mort du mathématicien Maurice Audin ou de l'avocat nationaliste Ali Boumendjel durant la "Bataille d'Alger" en 1957.
Il a dénoncé des "crimes inexcusables" lors du massacre de manifestants algériens pacifiques à Paris le 17 octobre 1961.
Mais les excuses attendues par Alger pour la colonisation ne sont jamais venues, contrariant la main tendue mémorielle de M. Macron et ajoutant aux malentendus et frustrations.
En octobre 2021, des propos du président français reprochant au "système polico-militaire" algérien de surfer sur la "rente mémorielle" et les interrogations du chef de l'Etat sur l'existence d'une nation algérienne avant la colonisation ont fini de consommer la rupture.
M. Macron a fait depuis amende honorable et les deux présidents ont décidé de remettre sur les rails le partenariat entre les deux pays.
"Eu égard au risque d'instabilité au Maghreb, aux conflits au Sahel et à la guerre en Ukraine, l'amélioration des rapports entre la France et l'Algérie s'impose comme une nécessité politique", estime le politologue algérien Mansour Kedidir.
Depuis le début de la guerre en Ukraine fin février, l'Algérie, un des dix premiers producteurs mondiaux de gaz, est très sollicitée par des Européens pressés de réduire leur dépendance à l'égard du gaz russe.
Le gaz algérien n'est "vraiment pas l'objet de la visite", assure toutefois l'Elysée.
- "Il a changé" -
Les deux présidents s'entretiendront notamment de la situation au Mali, d'où l'armée française vient de se retirer, et de l'influence russe grandissante en Afrique.
L'Algérie joue un rôle central dans la région en raison de ses milliers de kilomètres de frontières avec le Mali, le Niger et la Libye. Elle est en outre proche de la Russie, son premier fournisseur d'armes.
La question des visas attribués par la France sera aussi au coeur des discussions, Emmanuel Macron ayant décidé en 2021 de les diviser par deux face à la réticence d'Alger à réadmettre des ressortissants indésirables en France.
Le président Macron ne mettra en revanche pas en avant le travail de mémoire, qui reste compliqué des deux côtés de la Méditerranée.
Dans les rues d'Alger, la question mémorielle lui a fait perdre une bonne partie de son capital de sympathie des débuts.
"En 2017, avant qu'il ne soit président, il a bien parlé, il a fait sa visite, mais juste après son retour en France, il a changé, il a tenu un autre discours", déplore Othmane Abdellouche, 62 ans, docteur en informatique.
"Macron on lui dit +bienvenue en Algérie, si les intérêts sont communs, nous sommes d'accord, s'ils ne sont que du côté (français) alors c'est non", renchérit Remdhan Elbaz, 60 ans, un retraité.
D.Mertens--JdB