Sri Lanka: le Parlement élit un nouveau président après la fuite de Rajapaksa
Le Parlement du Sri Lanka se réunit mercredi pour désigner un nouveau président pour remplacer Gotabaya Rajapaksa, en fuite après la prise d'assaut de son palais la semaine dernière par une foule en colère, les manifestants s'attendant à un durcissement de la répression après le vote.
Le vainqueur du scrutin héritera d'un pays de 22 millions d'habitants ravagé par une crise économique catastrophique qui provoque pénuries d'aliments, de médicaments et de carburants. L'île, qui a fait défaut en avril sur sa dette étrangère de 51 milliards de dollars, n'a même plus assez de devises pour financer ses importations essentielles, et espère un plan de sauvetage du Fonds monétaire international (FMI).
Le Premier ministre Ranil Wickremesinghe, qui exerce l'intérim de la présidence, est considéré comme le favori pour emporter ce vote à bulletins secrets auprès des 225 députés, et prendre la tête du Sri Lanka jusqu'à la fin du mandat de M. Rajapaksa en novembre 2024.
Gotabaya Rajapaksa a fui précipitamment son palais envahi par la foule en colère le 9 juillet et s'est réfugié aux Maldives, puis à Singapour, d'où il a démissionné.
Sa chute est un revers pour son clan familial, qui domine la vie politique du Sri Lanka depuis une vingtaine d'années, après la démission plus tôt cette année de ses frères qui étaient respectivement Premier ministre et ministre des Finances.
Mais M. Wickremesinghe dispose du soutien du SLPP, le parti des Rajapaksa, qui dispose du plus grand nombre de sièges au Parlement. L'ancien président Mahinda Rajapaksa, frère aîné de Gotabaya et chef du clan familial, est toujours dans le pays et, selon des sources du parti, exerce des pressions sur les députés pour qu'ils soutiennent M. Wickremesinghe.
Mardi après-midi dans la capitale, des milliers d'étudiants ont manifesté leur opposition à ce cacique de 73 ans, qui a été six fois Premier ministre. Ils le considèrent comme un allié et un protecteur du clan Rajapaksa.
"Nous n'avons pas peur de Ranil", a déclaré Wasantha Mudalige, un leader étudiant, "nous le chasserons comme nous l'avons fait pour Gotabaya".
En tant que président par intérim, M. Wickremesinghe a prolongé l'état d'urgence, qui confère à la police et aux forces de sécurité des pouvoirs étendus. La semaine dernière, il a ordonné l'expulsion des manifestants des bâtiments officiels qu'ils occupaient dans le centre de Colombo.
- Intransigeance -
Selon le député tamoul d'opposition Dharmalingam Sithadthan, l'intransigeance affichée par M. Wickremesinghe à l'égard des manifestants est bien accueillie par les députés, dont beaucoup ont été victimes de violences pendant les manifestations. "Ranil apparaît comme le candidat de la loi et de l'ordre", a déclaré M. Sithadthan à l'AFP.
D'après l'analyste politique Kusal Perera, M. Wickremesinghe a un "léger avantage", bien que son propre parti ne dispose que d'un seul siège au Parlement. "Ranil a regagné l'acceptation des classes moyennes urbaines en rétablissant certains services comme le gaz, et il a déjà montré sa fermeté en faisant évacuer les bâtiments du gouvernement", a-t-il estimé.
Les observateurs s'attendent à ce que M. Wickremesinghe, s'il l'emporte, réprime durement toute manifestation. Ils s'attendent aussi à ce qu'il nomme Premier ministre son ancien camarade de classe Dinesh Gunawardena, 73 ans, un ex-ministre de la Fonction publique et fervent partisan du clan Rajapaksa.
Le principal adversaire de M. Wickremesinghe lors du vote sera le dissident du SLPP et ancien ministre de l'Education Dullas Alahapperuma, un ancien journaliste soutenu par l'opposition.
M. Alahapperuma s'est engagé cette semaine à former "un véritable gouvernement consensuel pour la première fois de notre histoire".
S'il gagne, cet homme de 63 ans devrait nommer le chef de l'opposition Sajith Premadasa Premier ministre. Le défunt père de M. Premadasa, Ranasinghe, a dirigé le pays d'une main de fer dans les années 1980, alors que M. Alahapperuma était un militant des droits humains.
Le troisième candidat est Anura Dissanayake, 53 ans, leader du Front de libération du peuple (JVP, gauche), qui dispose de trois députés.
Les législateurs classeront les candidats par ordre de préférence lors d'un vote secret, un mécanisme qui leur donne une plus grande liberté d'action qu'un scrutin ouvert. Les élections précédentes ont été marquées par des allégations de pots-de-vin offerts et acceptés en échange de votes.
T.Moens--JdB