Wall Street finit en forte baisse, craint que la Fed n'ait la main trop lourde
La Bourse de New York a terminé en forte baisse jeudi, effrayée par la perspective que la marche forcée des banques centrales, la Fed en tête, ne coupe le souffle à une économie qui affiche déjà des signes de faiblesse.
Le Dow Jones, qui a abandonné jusqu'à près de 1.000 points en séance, a fini en baisse de 2,42%, plongeant sous les 30.000 points pour la première fois depuis janvier 2021, tandis que l'indice Nasdaq a cédé 4,08% et l'indice élargi S&P 500, 3,25%.
"Wall Street n'a pas mis longtemps à perdre son enthousiasme d'hier après (les annonces de la Fed), alors que d'autres banques centrales majeures deviennent également plus agressives pour mener leurs propres combats contre l'inflation", a expliqué, dans une note, Edward Moya, d'Oanda.
Après la Réserve fédérale mercredi, la Banque d'Angleterre a elle aussi relevé son taux directeur jeudi, mais de seulement 0,25 point, de même que la Banque nationale suisse, cette dernière ayant pris totalement de cours les investisseurs.
"Quand les gens réfléchissent à l'impact que pourrait avoir le mouvement simultané de toutes les banques centrales" vers un resserrement généralisé, "ils se disent: ils me restent des profits à prendre, allons-y", et se mettent à vendre, a expliqué Maris Ogg, gérante de portefeuille pour Tower Bridge Advisors.
"Avec la réduction du bilan de la Fed (entamée en juin) et les marchés qui s'attendent à une nouvelle hausse de 0,75 point de pourcentage lors de la prochaine réunion de la Fed", les opérateurs se demandent "si la Fed n'est pas en train de se fourvoyer", et d'aller trop vite et trop fort dans son resserrement monétaire, a commenté Quincy Krosby, de LPL Financial.
La morosité ambiante a été alimentée par une série de mauvais indicateurs, en premier lieu l'indice d'activité manufacturière dans la région de Philadelphie, qui a montré une contraction en juin (-3,3 points), alors que les économistes attendait une progression (+4,8 points).
Autre nuage qui assombrit l'horizon de l'économie américaine, la remontée graduelle du chômage, illustrée par des inscriptions hebdomadaires plus importantes que prévu (229.000). Pour Peter Boockvar, de Bleakley Advisory Group, "la hausse des licenciements nous guette, la question étant de savoir quel en sera le rythme".
Dernier signal négatif, la baisse des mises en chantier aux Etats-Unis, qui sont ressorties à un niveau inférieur aux attentes.
Les premiers signes d'un ralentissement commencent à apparaître, "donc la question est de savoir si cela va jouer sur le rythme de l'inflation", selon Maris Ogg. "Parce que la Fed est concentrée là-dessus" plus que sur la croissance économique. "Et si cela n'est pas le cas, il semble qu'ils ne s'arrêteront pas (de monter les taux) malgré les signes d'une baisse de confiance" des consommateurs dans l'économie.
Pour Maris Ogg, le durcissement monétaire global en cours, ainsi que la sortie du marché de certains investisseurs qui veulent limiter leur exposition au risque, menacent la liquidité du marché, ce qui pourrait encore accentuer la volatilité, voire créer des secousses plus brutales.
Illustration, le rendement des emprunts d'Etat américains à 10 ans a oscillé de 0,26 point de pourcentage jeudi, une amplitude très inhabituelle sur un marché aux mouvements d'ordinaire très mesurés. Il ressortait à 3,23%, contre 3,39% la veille.
Côté actions, les géants technologiques ont mené le repli, de Meta (-5,01%) à Apple (-3,97%), en passant par Microsoft (-2,70%) et Alphabet (-3,40%).
Twitter a aussi fini dans le rouge (-1,66% à 37,36 dollars), toujours plus loin du prix d'acquisition proposé par Elon Musk (54,20 dollars), qui s'est montré vague sur ses projets pour la plateforme lors d'une rencontre avec les salariés, jeudi.
Quant à Tesla, que dirige l'entrepreneur milliardaire, il a été fui (-8,54% à 639,30 dollars), plombé l'annonce de hausses du prix de ses modèles, mais aussi par les craintes que le dossier Twitter ne constitue une distraction.
Parmi les rares à surnager, essentiellement des valeurs dites défensives, c'est-à-dire moins sensibles à la conjoncture, comme Walmart (+1,04%), Johnson & Johnson (+0,05%) ou Procter & Gamble (+0,61%).
Le groupe de cosmétiques Revlon a été chahuté (-13,33% à 1,95 dollar) après l'annonce de son dépôt de bilan mercredi, qui devrait permettre sa restructuration. La société a mal vécu la pandémie qui a entraîné un ralentissement des dépenses sur certains produits de beauté.
A.Martin--JdB