La récession est-elle le seul remède à l'inflation aux États-Unis ?
Le spectre d'une récession plane aux États-Unis, un mal qui pourrait s'avérer incontournable pour sauver la première économie du monde de l'inflation. Cette hypothèse prend de l'ampleur après la décision historique de la banque centrale de relever fortement ses taux directeurs.
"Les chances d'une récession en 2023 augmentent parce que cela pourra être nécessaire pour contrôler l'inflation", souligne ainsi Joseph Gagnon, économiste au Peterson Institute for International Economics (PIIE), et ancien économiste de la Fed, dans une note.
L'économie américaine a d'ores et déjà ralenti avec une contraction de 1,5% du PIB au premier trimestre. Le début du deuxième trimestre semble montrer que le ralentissement se poursuit dans certains secteurs comme l'industrie manufacturière, l'immobilier et les ventes au détail.
Aux grands maux les grands remèdes : face à des prix qui n'en finissent plus de grimper, il faut faire ralentir l'économie, tant la demande de la part des consommateurs américains reste forte et l'offre insuffisante.
"Le pouvoir d'achat doit s'aligner sur l'offre", a expliqué à l'AFP Steve Englander, responsable de la macro-économie américaine pour Standard Chartered, et ancien économiste à la banque centrale américaine (Fed).
Et c'est justement le travail de la Fed. En relevant ses taux directeurs, elle incite les banques commerciales à offrir des crédits plus chers aux particuliers et entreprises, qui, par conséquent, sont moins enclins à consommer.
– L'atterrissage en douceur s'éloigne –
L'inflation ayant battu, en mai, un nouveau record en 40 ans (8,5% sur un an), l'institution a donc procédé, mercredi, à la plus forte hausse de ses taux directeurs depuis 1994 : elle les a relevés de trois-quarts de points de pourcentage, pour les amener dans la fourchette de 1,50 à 1,75%.
Cette troisième hausse sera suivie d'autres forts relèvements d'ici la fin de l'année.
"Que ce soit clair, nous ne sommes pas en train d'essayer d'induire une récession", a néanmoins assuré le président de la Fed, Jerome Powell : "nous essayons de ramener l'inflation à 2%, (et conserver) un marché du travail solide".
La Fed table désormais sur 5,2% d'inflation cette année, quand elle anticipait encore 4,3% lors de sa réunion de mars. Parallèlement, elle prévoit une croissance de 1,7% seulement, contre 2,8% précédemment.
"Le risque de récession augmente, et fortement", estime Steve Englander qui, pourtant, pense que ce scénario devrait pouvoir être évité.
Toutefois, l'"atterrissage en douceur" que promettait Jerome Powell il y a quelques semaines encore, semble désormais bien difficile à atteindre.
"Les perspectives d'un atterrissage en douceur semblent de moins en moins crédibles, et nous jugeons maintenant qu'une récession l'année prochaine est plus probable qu'improbable", avertit Jay Bryson, économiste pour Wells Fargo.
En effet, détaille-t-il, "l'inflation s'installe (...), érodant le revenu réel, ce qui pèsera probablement sur la croissance des dépenses de consommation au cours des prochains trimestres".
En outre, les fortes hausses des taux de la Fed "finiront par plomber les dépenses sensibles aux taux d'intérêt", c'est-à-dire les achats réalisés à crédit. Qui sont nombreux aux États-Unis.
– Une économie "Boucles d'Or" –
La vénérable et puissante Réserve fédérale américaine, cependant, est prête à prendre ce risque pour éviter qu'une inflation élevée "ne persiste pendant de nombreuses années", relève Kathy Bostjancic, cheffe économiste pour Oxford Economics.
Idéalement, l'économie américaine devrait suivre une trajectoire, dite "Boucles d'Or", du nom du conte pour enfants, explique-t-elle à l'AFP. En d'autres termes, une économie qui refroidit juste comme il faut, à la bonne température, comme le bol de soupe du petit ours, que la fillette engloutit dans l'histoire.
La frénésie de consommation qu'a connu le pays depuis près de deux ans, grâce notamment aux généreuses aides financières versées par le gouvernement, s'est heurtée à une production à la peine, à cause des difficultés mondiales d'approvisionnement qui persistent depuis le début de la crise du Covid-19.
Résultat, les prix ont grimpé en flèche.
Et la guerre en Ukraine est venue ajouter une couche supplémentaire. La flambée des prix du pétrole, dans un pays où la voiture est bien souvent indispensable et gourmande en carburant, pèse lourdement sur les ménages, de même que la hausse des prix de l'alimentation.
T.Peeters--JdB