

LGBT+ et binationaux: nouveau tour de vis constitutionnel en Hongrie
Graver dans la Constitution l'existence de seulement deux genres, masculin ou féminin, et la primauté du droit des enfants sur tous les autres: le Parlement hongrois poursuit lundi son offensive pour restreindre les libertés des personnes LGBT+.
Le Premier ministre nationaliste Viktor Orban, qui avait promis en mars "un grand nettoyage de Pâques" contre ses rivaux taxés de "punaises", a aussi prévu de faire adopter un amendement s'attaquant aux binationaux jugés traîtres à la nation. En possible ligne de mire, le financier et philanthrope George Soros.
Le vote, prévu peu après 17H00 (15H00 GMT) à Budapest, devrait être émaillé de protestations à l'appel de l'opposition, dans une capitale en émoi depuis l'approbation mi-mars d'une loi visant à interdire la Marche des fiertés.
Chaque semaine, des milliers de personnes défilent et bloquent des ponts pendant des heures, pour manifester contre un gouvernement jusqu'au-boutiste, selon Akos, un ingénieur de 28 ans préférant garder l'anonymat, que l'AFP a rencontré à un récent rassemblement.
- "Poutinisme" -
Revenu au pouvoir en 2010, Viktor Orban a progressivement mis au pas les contre-pouvoirs et accélère sa course, enhardi par la victoire de son allié Donald Trump, vers le "poutinisme", analyse Szabolcs Pek, du groupe de réflexion Iranytu Intezet.
"Personne n'y laisse la vie ici, mais le gouvernement réduit de plus en plus l'espace de l'opposition, des journalistes et de la société civile", dit-il.
En écho à un décret signé par le président américain Donald Trump, la Constitution va désormais préciser qu'une personne est "soit un homme, soit une femme".
Depuis 2019 déjà, elle stipule que le mariage est seulement possible entre un homme et une femme.
La loi empêche aussi les couples de même sexe d'adopter des enfants, les personnes transgenres ne pouvant quant à elles plus changer leur nom ou leur genre sur les documents officiels. Et depuis 2021, il est interdit d'évoquer auprès des mineurs "l'homosexualité et le changement de sexe".
Autre amendement constitutionnel soumis au vote lundi, celui affirmant "la primauté du droit des enfants à un développement physique, mental et moral correct sur tout autre droit".
Ce texte entend renforcer les bases légales de l'interdiction de la Marche des fiertés, décidée au nom de "la protection des enfants".
- Soros ciblé -
Dans le viseur également, les binationaux qui menaceraient la sécurité en s'immisçant dans les affaires intérieures "sous le couvert d'ONG et de médias se disant indépendants".
Selon le texte, "la citoyenneté d'un Hongrois détenteur d'un autre passeport pourrait être suspendue", à l'exception des ressortissants de l'UE et de quelques autres pays européens. Une durée maximale de dix ans est prévue avec une expulsion à la clé pour ceux résidant en Hongrie.
Bête noire du pouvoir, le milliardaire de 94 ans George Soros, né à Budapest et naturalisé américain, pourrait en faire les frais.
Une trentaine de juristes ont dénoncé une mesure "sans précédent en droit international", qui peut "constituer une forme de bannissement et de traitement inhumain".
Sur le plan politique, Viktor Orban cherche à mobiliser son électorat et à courtiser l'extrême droite à l'approche des législatives du printemps 2026, selon l'expert Szabolcs Pek.
Une "frénésie" législative, dit-il, qui lui a permis de reprendre le contrôle de l'agenda, éclipsant "le débat sur les services publics défaillants ou les difficultés économiques".
Dans le même temps, le dirigeant tend "un piège" à son grand rival, Peter Magyar, dont le parti Tisza fait la course en tête selon plusieurs sondages.
Cet ex-haut fonctionnaire, longtemps marié à une ancienne ministre de Viktor Orban, Judit Varga, s'est mué en critique virulent de la corruption et pose un défi sans précédent au pouvoir.
Mais il joue un délicat exercice d'équilibriste: soucieux de ménager certains électeurs, il n'a pas pris position sur les droits LGBT+, un silence qui pourrait, d'après M. Pek, détourner les plus progressistes vers d'autres partis d'opposition.
P.Claes--JdB