

La Banque du Japon maintient ses taux, sur fond d'incertitudes sur l'économie mondiale
La Banque du Japon (BoJ), qui a entamé en 2024 une normalisation de sa politique monétaire, a laissé mercredi ses taux d'intérêt inchangés, conformément aux attentes et malgré une inflation persistante, pointant les incertitudes sur la conjoncture mondiale et la guerre commerciale.
L'institution monétaire, au terme d'une réunion de deux jours, a maintenu à 0,5% son taux directeur, après l'avoir relevé en janvier lors d'une précédente décision.
La BoJ se montre prudente, soulignant les conséquences potentielles du conflit douanier tous azimuts déclenchée par le président américain Donald Trump. Les Etats-Unis ont notamment ciblé les exportations d'acier nippones et menacent de s'attaquer à l'automobile.
"Concernant les risques pesant sur nos perspectives, de grandes incertitudes subsistent quant à l'activité économique japonaise, notamment l'évolution de la situation commerciale (...) et celle des prix des matières premières", a-t-elle souligné.
"Ces droits de douane peuvent pénaliser directement l'économie: les volumes de production, l'inflation et les prix", a détaillé le gouverneur Kazuo Ueda devant la presse.
L'association japonaise des constructeurs automobiles a d'ailleurs averti mercredi que le secteur, pilier de l'économie nippone représentant 10% des emplois, pourrait être contraint de réduire sa production en cas de taxes américaines.
"D'un autre côté, les taxes ou simplement les menaces (américaines) peuvent assombrir le moral des consommateurs et des entreprises, les incitant à restreindre leurs dépenses", s'est alarmé M. Ueda.
Le statu quo de la banque centrale japonaise était largement attendu par les marchés.
Après une hausse de 0,25 point de pourcentage en janvier, la BoJ "temporise (...) pour évaluer l'impact des récents changements de sa politique", souligne Stefan Angrick, de Moody's Analytics.
Dans un environnement planétaire précaire et volatil, les banques centrales britannique et américaine devraient également opter cette semaine pour le statu quo, note-t-il.
Afin de contrer le retour de l'inflation au Japon depuis deux ans et demi, la BoJ a entamé en mars 2024 un resserrement de ses taux, après dix ans de politique monétaire ultra-accommodante où ils étaient restés quasiment nuls. Elle les a relevés par deux fois l'an dernier, puis à nouveau en janvier.
- Revalorisation salariales -
Pour autant, de l'avis des analystes, la BoJ devrait reprendre ses relèvements de taux plus tard dans l'année.
"Le cycle de resserrement de la Banque est encore loin d'être terminé (...) il existe une forte probabilité d'une hausse des taux en mai", a réagi Marcel Thieliant, de Capital Economics.
"Après tout, l'inflation est bien supérieure à l'objectif de 2% fixé par la BoJ (...) et les négociations salariales du printemps ont abouti à des hausses de salaires encore plus importantes que l'an dernier, ce qui devrait contribuer à alimenter l'inflation au cours des prochains mois", explique-t-il.
Ainsi les prix à la consommation au Japon (hors produits frais) ont augmenté de 3,2% sur un an en janvier, au plus haut depuis un an et demi, très au-delà de la cible des 2%, sur fond d'envolée des prix des céréales et de l'énergie.
Les prix du riz, qui ont encore enregistré une envolée record de 71,8% sur un an en janvier, "devraient rester à des niveaux élevés en 2025", reconnaît la Banque.
La BoJ a par ailleurs noté mercredi "une amélioration modérée de la situation de l'emploi et des salaires" -- un élément clef pour sa politique monétaire.
La puissante Confédération japonaise des syndicats de travailleurs (Rengo) a ainsi obtenu, dans le cadre des négociations annuelles, une augmentation moyenne de 5,46% des salaires pour ses membres en 2025, la plus forte hausse depuis trois décennies dans l'archipel, face à l'inflation tenace.
-Risques sur la croissance-
La BoJ table désormais sur un "cercle vertueux" où les revalorisations salariales permettraient de doper la consommation.
"Ces dernières données des négociations salariales rendent rend une hausse des taux en milieu d'année quasi certaine", estime M. Angrick.
Tout en jugeant le tableau de la BoJ "plutôt optimiste": "elle affirme que l'économie +continuera de croître au-dessus de son potentiel+ malgré une croissance du PIB réel quasi-nulle sur l'année écoulée, et que la consommation suit une +tendance à la hausse modérée+, ce qui cadre mal avec les dernières données", les ménages continuant de se serrer la ceinture.
"Des indicateurs économiques moroses et la détérioration de l'environnement commercial pèseront sur la croissance, rendant un nouveau resserrement des taux plus difficile à anticiper", avertit l'analyste.
P.Renard--JdB