

La Malaisie face à des défis de taille pour devenir la nouvelle Silicon Valley
La Malaisie consent de gros efforts pour devenir un acteur majeur de l'industrie mondiale des semi-conducteurs afin de capitaliser sur une forte augmentation de la demande générée par l'intelligence artificielle (IA) mais face à des défis de taille, la partie est loin d'être gagnée, estiment les analystes.
La signature d'un accord majeur avec le géant britannique des puces Arm début mars est la dernière étape vers la réalisation de l'objectif du pays d'Asie du Sud-Est de produire ses propres puces à haute valeur ajoutée dans les cinq à sept prochaines années.
La Malaisie est déjà un acteur de premier plan de l'industrie des semi-conducteurs, l'île de Penang (nord-ouest) étant même surnommée la "Silicon Valley de l'Orient". Mais son rôle se limitait jusqu'ici au conditionnement, à l'assemblage ou au test des puces.
Le royaume qui ambitionne de rivaliser avec les principaux géants régionaux tels que Taïwan, la Corée du Sud et le Japon se heurte cependant à sérieuses contraintes internes telles que la pénurie de talents, des problèmes de financement et d'autres lacunes dans la chaîne d'approvisionnement.
"Nous manquons encore de talents, car notre enseignement supérieur est moins préparé à produire des diplômés dotés des compétences adéquates", explique à l'AFP Shafiq Kadir, analyste chez CGS International.
Pour Wong Siew Hai, président de l'Association malaisienne de l'industrie des semi-conducteurs, le pays fait face à une "pénurie de personnes adaptées disposant de l'expérience et des compétences spécifiques".
"Nous perdons en moyenne 15% de nos talents dans l'industrie des semi-conducteurs chaque année à cause de la fuite des cerveaux", déplore M. Wong, alors que des Malaisiens expérimentés choisissent de travailler à l'étranger pour de meilleurs salaires et opportunités.
Aux termes de l'accord conclu avec Arm, société détenue par le groupe japonais Softbank, la Malaisie versera 250 millions de dollars (228 millions d'euros) à Arm sur dix ans pour un transfert de technologies.
L'accord prévoit également la formation de 10.000 ingénieurs locaux aux technologies des semi-conducteurs, tandis qu'Arm ouvrira son premier bureau dans la région à Kuala Lumpur.
- "Eléphants blancs" -
Pour Farlina Said, spécialiste des cyber-technologies à l'Institute of Strategic and International Studies (ISIS) à Kuala Lumpur, "construire l'infrastructure sans un nombre suffisant d'acteurs peut créer des éléphants blancs pour le secteur".
"Pour augmenter la chaîne de valeur, la Malaisie doit d'abord trouver des moyens pour du transfert de connaissances afin de développer les capacités locales", estime-t-elle.
"Ensuite, il faut des fonds pour développer l'écosystème autour du transfert de connaissances. Cela inclut des transferts de technologie, des viviers de talents et la pérennité de la recherche et développement, ajoute-t-elle.
L'effort de 5,3 milliards de dollars (4,8 milliards d'euros) du gouvernement au cours de la prochaine décennie pour développer le secteur des semi-conducteurs est faible par rapport aux investissements publics de la Chine ou des États-Unis, relève de son côté M. Wong.
- objectif 270 milliards de dollars en 2030 -
La Malaisie ne part cependant pas de zéro et constitue depuis longtemps un acteur clé du secteur des puces électroniques, avec des infrastructures sur l'île de Penang.
Des multinationales "comme Intel et AMD disposent toutes deux d'activités de conception de circuits intégrés à Penang", souligne M. Shafiq pour qui le pays est "en mesure de bénéficier de cette situation, car davantage de capitaux et d'attention sont consacrés à la conception de circuits intégrés".
Selon l'entreprise allemande Bosch, la Malaisie représente environ 13% de la production mondiale de produits finis.
Quant aux exportations de semi-conducteurs de la Malaisie, elles sont
Le logo de ARM sur une de ses puces. Photo prise à Kuala Lumpur le 4 mars 2025
évaluées à 387,98 milliards de ringgits (87,4 mds USD, 80,4 mds EUR) en 2024, par la Malaysia External Trade Development Corporation, faisant du pays l'un des 10 premiers exportateurs de puces au monde.
Ojectif de l'Association malaisienne de l'industrie en 2023: porter ce chiffre à 270 mds USD (248 mds EUR), ce qui, selon Wong, permettrait au pays de "maintenir sa position relative dans le monde" en tant que l'un des premiers exportateurs de semi-conducteurs.
W.Lievens--JdB