

Une victoire pour Trump ou la paralysie budgétaire? Le dilemme des démocrates
Les Etats-Unis font face jeudi à la perspective d'une paralysie de l'administration fédérale, déjà ébranlée par le limogeage massif de fonctionnaires entrepris par Donald Trump, en l'absence d'accord budgétaire au Congrès.
Alors que la date limite de vendredi soir minuit approche à grands pas, les démocrates au Sénat doivent décider s'ils souhaitent apporter leurs voix à un texte républicain, et octroyer ainsi une victoire à Donald Trump, ou s'y opposer et voir les Etats-Unis plonger dans ce fameux "shutdown".
Une situation qui toucherait durement des fonctionnaires déjà décimés par les coupes claires d'Elon Musk, puisqu'elle impliquerait de mettre des centaines de milliers d'entre eux au chômage technique, sans versement de paie jusqu'à la résolution de cette paralysie.
Elle pourrait aussi faciliter la tâche du patron de SpaceX et Tesla qui, depuis qu'il a été placé à la tête d'une commission à l'efficacité gouvernementale (Doge) par Donald Trump, s'attache à démanteler des agences fédérales, qu'il accuse de fraude ou de gestion dispendieuse.
Selon le magazine Wired, qui cite des sources républicaines, l'homme le plus riche du monde serait en privé favorable à un "shutdown", car les ministères et agences fédérales devraient décider qui parmi leur personnel mettre au chômage technique. Et donc classer les effectifs en fonction du caractère "essentiel" ou non de leur mission. La commission Doge d'Elon Musk aurait alors le champ libre pour limoger ces fonctionnaires "non-essentiels".
- Cornélien -
La proposition des républicains, déjà adoptée à la Chambre des représentants mardi, financerait l'Etat fédéral jusqu'en septembre. Une mesure temporaire qui donnerait une plus grande marge de manoeuvre en vue de l'adoption d'un budget plus conséquent dans les mois à venir -- avec notamment des fonds pour certaines des mesures phares de Donald Trump, comme son programme d'expulsions de migrants.
Malgré leur majorité de 53 sénateurs sur 100, les républicains auraient besoin de l'appui de plusieurs démocrates pour passer la barre des 60 voix nécessaires en vertu des règles de la chambre haute américaine.
Le dilemme est donc cornélien pour les sénateurs démocrates: s'ils s'opposent sur le fond au texte en raison des importantes coupes prévues dans certaines dépenses publiques, ils s'inquiètent aussi des conséquences d'un "shutdown" pour l'économie américaine.
Le chef des démocrates au Sénat, Chuck Schumer, a déclaré mercredi que son camp était uni contre le texte et a regretté le fait que les républicains aient choisi un "chemin partisan", en élaborant leur proposition budgétaire "sans aucune contribution démocrate".
Le sénateur Mark Warner, réputé pour ses positions modérées, a affirmé qu'il voterait "non", se disant contre cette "idée de donner les clés à Trump et Musk sans contrainte".
- "Entuber les Américains" -
Les démocrates au Sénat font également face à la pression de l'aile gauche du parti, qui les appelle à voter contre, pour s'opposer clairement à Donald Trump.
L'élue progressiste Pramila Jayapal a prévenu sur la chaîne CNN que les sénateurs démocrates qui voteraient en faveur feraient face à un "énorme retour de bâton".
Pour sa collègue new-yorkaise Alexandria Ocasio-Cortez, si les républicains veulent passer leur proposition de budget et ainsi "entuber les Américains", "ils peuvent le faire avec leurs voix et leur parti", puisqu'ils disposent du contrôle de la Maison Blanche et des deux chambres du Congrès.
Certains sénateurs démocrates ont cependant déjà dit qu'ils voteraient à contrecoeur en faveur du texte.
"Voter pour paralyser le gouvernement punira des millions de gens", a déclaré le sénateur John Fetterman, tout en notant son "désaccord avec de nombreux points" de la proposition républicaine.
Donald Trump a de son côté apporté publiquement son soutien au texte. Avant le vote à la Chambre des réprésentants, il s'était personnellement impliqué et avait passé des coups de téléphone pour convaincre de potentiels réfractaires dans son camp.
Avec des indices boursiers en chute et des craintes grandissantes de récession, le milliardaire républicain fait face aux premiers vents contraires de son second mandat en matière économique. Et il sait qu'une paralysie de l'Etat fédéral n'arrangerait rien.
J.M.Gillet--JdB