

Le Nigeria avance prudemment pour réguler les cryptomonnaies
Le Nigeria, leader des cryptomonnaies en Afrique, tente tant bien que mal de réguler le secteur des actifs numériques après des années d'absence de réglementation claire et malgré la réputation délétère de son secteur financier.
Pendant longtemps, les autorités et les régulateurs nigérians ont été méfiants envers les cryptomonnaies, en dépit de leur utilisation croissante dans le pays le plus peuplé d'Afrique, mais ils tentent depuis un an d'établir un cadre formel.
En 2023 et en 2024, le pays le plus peuplé d'Afrique s'est classé deuxième au niveau mondial sur un indice d'adoption des cryptomonnaies établi par Chainalysis, une société mondiale d'analyse de cet actif numérique.
Emomotimi Agama, directeur général de la Commission des valeurs mobilières du Nigeria (SEC), a confirmé à l'AFP en août les efforts de la commission pour clarifier les règles régissant l'utilisation des actifs numériques.
Au cours du même mois, la SEC a accordé un "accord de principe" à deux plateformes d'échange de cryptomonnaies, Busha Digital Limited et Quidax Technologies Limited, leur permettant de commencer leurs opérations.
"Nous pensons que cette mesure réglementaire est un bon début qui bénéficiera au marché à long terme en établissant confiance et stabilité", a déclaré à l'AFP Buchi Okoro, cofondateur et président-directeur général de Quidax Technologies Limited.
"L'accord de la SEC a envoyé un message clair aux investisseurs potentiels en cryptomonnaies, en mettant en avant la protection des clients", a-t-il poursuivi.
Mais l'élan réglementaire du gouvernement est quelque peu freiné par le scepticisme des investisseurs, refroidis par les innombrables scandales de fraude qui émergent régulièrement dans ce pays connu pour son manque de transparence et ses arnaques.
En décembre, la Commission des crimes économiques et financiers du Nigeria (EFCC) a déclaré avoir arrêté 792 suspects, dont plusieurs étrangers, à Lagos "pour leur implication présumée dans des fraudes liées aux investissements en cryptomonnaies et des arnaques aux sentiments".
Le mois précédent, la SEC a publié un avis contre Marino FX Limited qui avait prétendu être enregistrée auprès de la commission en tant que bourse de cryptomonnaies.
- Binance -
Le Parlement nigérian travaille à un projet de loi sur les investissements et les titres, qui permettrait d'établir un cadre réglementaire pour toutes les monnaies numériques au Nigeria.
Avant les élections générales de février 2023, le président nigérian Bola Ahmed Tinubu, alors candidat à la présidentielle du parti au pouvoir le Congrès des progressistes (APC), avait promis d'établir un environnement réglementaire qui encouragerait l'adoption des actifs numériques.
Cependant, quelques mois après sa prise de fonction en mai 2023, M.Tinubu a imposé de nouvelles restrictions aux plateformes de cryptomonnaies pour lutter contre la dévaluation du naira, la monnaie locale, ce qui a forcé Binance, la plus grande bourse d'actifs numériques au monde, à suspendre ses opérations en naira.
De nombreux clients ont rapidement vidé leurs portefeuilles, craignant que leurs fonds ne soient bloqués.
Les autorités ont arrêté, poursuivi en justice puis relâché l'un des deux dirigeants de Binance qui s'était rendu dans le pays pour négocier avec le gouvernement.
L'administration fiscale du Nigeria a toujours une action en justice en cours contre Binance pour un montant de 81,5 milliards de dollars (75,2 milliards d'euros).
- Opportunité à venir-
"Malgré les vents contraires auxquels nous avons été confrontés au fil des années, nous avons réellement constaté un revirement dans l'approche du gouvernement à l'égard de l'innovation dans le secteur", a indiqué à l'AFP Laolu Biyi Samuel, cofondateur de Busha Digital Limited.
Pour lui, l'environnement réglementaire global au Nigeria est sur la bonne voie.
Les États-Unis ayant récemment créé une "réserve stratégique de bitcoins", les experts estiment que l'appétit du Nigeria pour les actifs numériques pourrait constituer une nouvelle opportunité économique.
Cependant, certains craignent que les cryptomonnaies restent un moyen de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme dans le pays.
"La clarté réglementaire et les politiques devraient être prioritaires maintenant", a déclaré à l'AFP Obinna Iwuno, président de l'Association Blockchain du Nigeria (SiBAN).
"Il n'est pas trop tard pour commencer à discuter d'une stratégie nationale sur le bitcoin et de plans d'action", a-t-il ajouté.
W.Lievens--JdB