

Arnaud Prost, astronaute de réserve pour protéger Ariane 6
"Déçu", mais habitué aux aléas: Arnaud Prost a appris dans les airs la nouvelle du report du lancement d'Ariane 6, au cours d'une mission de sécurisation du centre spatial à Kourou, en Guyane française, un "double rêve" pour ce pilote français, qui est aussi astronaute de réserve.
Membre de la réserve des astronautes de l'Agence spatiale européenne (ESA), Arnaud Prost, 32 ans, est en mission à Kourou en tant que pilote d'AWACS, des appareils de surveillance embarquant un système de radars qui permettent de suivre à longue distance des aéronefs, missiles ou navires ennemis.
Il s'est croisé avec Thomas Pesquet, l'astronaute français aux deux missions dans l'espace, qui a lui convoyé sur un avion ravitailleur les Rafale entre la France métropolitaine et Kourou, en tant que pilote de réserve dans l'armée de l'air et de l'espace.
- "Habitué" aux imprévus -
"C'est un double rêve parce que c'est la jonction entre mes deux métiers que j'apprécie énormément, avec un lancement d'Ariane 6 qui est historique", a confié Arnaud Prost mardi à l'AFP avant de s'envoler pour sa mission.
Alors que près d'une centaine de personnes qui s'étaient déplacées en Amérique du Sud (représentants des constructeurs et opérateurs de la fusée et du satellite) repartiront bredouilles, sans voir Ariane 6 décoller du centre spatial guyanais, le pilote attend aussi des ordres de sa hiérarchie.
"On croise vraiment les doigts pour que (le lancement) se passe bien et rapidement. C'est une étape importante dans l'indépendance de l'accès à l'espace de la France et de l'Europe."
Lundi, il était dans l'AWACS, cet avion "qui fait des cercles à distance du pas de tir pour surveiller l'espace aérien avec nos capteurs, avec le radar".
"On était dans l'avion et on a appris le report par la radio. Comme tout le monde, on était déçus mais on est habitués à ce genre de situation parce que c'est pareil en aéronautique. Ce sont des opérations extraordinairement complexes dans lesquelles la sécurité est toujours l'élément le plus important et donc il faut être prêt à tout instant à se réorganiser en cas de report", raconte-t-il.
"On était prêt à voir la fusée traverser le ciel depuis le cockpit mais on sait que cela fait partie des opérations spatiales complexes. Comme tout le monde, on est juste impatient de savoir" quand le lancement aura finalement lieu.
Il est "prématuré" à ce stade d'annoncer une nouvelle date avant de comprendre et réparer l'anomalie d'une vanne sur l'un des tuyaux qui permettent d'avitailler le lanceur, a expliqué lundi soir à la presse David Cavaillolès, patron d'Arianespace.
- Plaidoirie pour les vols habités -
La fusée embarquant un satellite militaire, le dispositif de sécurité est particulièrement musclé. La mission dont fait partie Arnaud Prost consiste à surveiller l'espace aérien, mais aussi la surface maritime.
Le pilote se dit "fier" d'être impliqué dans cette opération. Mais aussi triste que les vols habités ne soient pas une priorité de l'Europe spatiale.
"Avec des ressources limitées l'Agence spatiale européenne et les pays membres font leur maximum pour trouver le bon compromis", souligne l'astronaute de réserve de l'ESA (un statut différent des astronautes de carrière), qui espère malgré tout s'envoler un jour dans l'espace.
"Ce serait une erreur de laisser de côté une dimension aussi importante que celle du vol spatial habité" qui a permis "historiquement de tirer vers l'avant un certain nombre de technologies spatiales critiques", estime-t-il.
"En ce moment, l'Europe a besoin de trouver des projets qui nous réunissent, qui nous dépassent, des projets ambitieux qui nous permettent d'avancer tous ensemble. Et l'exploration de l'espace est une occasion unique de le faire", conclut-il.
D.Mertens--JdB