

Bruxelles veut "réarmer l'Europe" et aider "immédiatement" l'Ukraine
La Commission européenne a dévoilé mardi un plan pour "réarmer l'Europe" destiné à mobiliser près de 800 milliards d'euros pour sa défense, mais aussi à fournir une aide "immédiate" à l'Ukraine après le gel de l'aide américaine.
"L'Europe fait face à un danger clair et immédiat d'une ampleur qu'aucun d'entre nous n'a connue dans sa vie d'adulte", a affirmé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, dans une lettre adressée aux dirigeants des 27. "L'avenir d'une Ukraine libre et souveraine, d'une Europe en sécurité et prospère, est en jeu", a-t-elle assuré dans cette missive, qui présente un plan en cinq volets destiné à renforcer la défense européenne.
Ce projet permettra aussi d'aider "immédiatement" l'Ukraine, a-t-elle ajouté, après la décision fracassante du président américain Donald Trump de geler son aide militaire à Kiev.
Le premier "pilier" de ce plan, baptisé "réarmer l'Europe", repose essentiellement sur les dépenses nationales dans chaque Etat membre, que la Commission européenne veut faciliter.
Mme von der Leyen a ainsi confirmé sa volonté d'encourager les Etats à dépenser plus pour leur défense, sans souci du respect des règles budgétaires qui les obligent à limiter leur déficit public à 3% de leur Produit intérieur brut (PIB). "Cela permettra aux Etats membres d'augmenter de manière significative leurs dépenses de défense sans déclencher la procédure de déficit excessif", a-t-elle déclaré, évoquant un montant de 650 milliards d'euros sur quatre ans.
Le deuxième "pilier" prévoit de mettre quelque 150 milliards d'euros de prêts à disposition des 27 pays de l'UE pour des achats d'armes ou des investissements destinés à renforcer les capacités de défense en Europe.
Ces fonds doivent servir en priorité à investir dans les domaines où les besoins sont les plus urgents comme la défense anti-aérienne, les missiles, les drones et les systèmes anti-drones ou encore les systèmes d'artillerie.
- "Aide militaire immédiate" -
Et, assure Mme von der Leyen, avec ces équipements, "les Etats membres pourront renforcer massivement leur aide à l'Ukraine. Donc, une aide militaire immédiate à l'Ukraine".
Mais pour certains experts, les résultats ne seront pas immédiats.
"Ça peut permettre de financer ou d’accélérer certains achats", a ainsi estimé Camille Grand, expert des questions de défense auprès de l'ECFR et ancien responsable de l'Otan, interrogé par l'AFP. Mais, a-t-il ajouté, "les résultats seront visibles dans quelques semaines ou quelques mois plutôt que +immédiatement+, mais cela compte car les effets dés restrictions américaines se feront aussi sentir dans quelques mois".
L'insuffisance des capacités de production en Europe est aussi un facteur de retard. Un exemple: l'Union européenne s'était engagée à fournir un million d'obus d'artillerie à l'Ukraine en 2024, un objectif finalement atteint mais avec des mois de retard.
La Commission entend aussi utiliser des fonds d'aide aux régions les plus défavorisées de l'UE, les fonds dits de cohésion, pour financer des projets de défense. Le total de ces fonds pour la période 2021-2027 est de 392 milliards d'euros, mais Mme von der Leyen n'a pas précisé les montants qui pourraient être disponibles pour des investissements dans la défense.
La présidente de la Commission européenne entend également faciliter le recours à la Banque européenne d'investissements (BEI) pour le financement de projets de défense. Cette banque n'est pour le moment pas autorisée à financer des projets directement liés au secteur de la défense, mais sa présidente Nadia Calvino a appelé à élargir les investissements éligibles, selon une lettre mardi, consultée par l'AFP.
Un responsable européen a précisé que cela inclurait des projets strictement militaires.
Enfin, la Commission européenne veut davantage mobiliser le secteur privé pour le financement de la défense en Europe. Les banques sont réticentes à s'engager dans des projets d'investissements militaires, pour ne pas risquer leur notation par les agences financières.
Les dirigeants des 27 vont discuter jeudi de ce plan à Bruxelles à l'occasion d'un sommet extraordinaire.
Ils auront également une discussion sur une proposition de la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas pour renforcer l'aide militaire à l'Ukraine. Plusieurs montants, jusqu'à 30 milliards d'euros, ont été avancés, mais une décision est peu probable jeudi entre les 27, selon un diplomate à Bruxelles.
Y.Simon--JdB