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Jeux vidéo: avec "Let's Sing", le studio français Voxler espère des lendemains qui chantent
Très populaires à la fin des années 2000, les jeux vidéo musicaux et leur cortège de fausses guitares et batteries en plastique ont quasiment disparu aujourd'hui, mais un petit studio français tente de garder en vie ce genre de productions.
"On est les derniers des Mohicans", s'amuse Nicolas Delorme, 52 ans, cheveux gris en bataille et lunettes rondes, dans les locaux du studio Voxler, situés dans l'est parisien.
Depuis 2012, il a repris le flambeau du jeu de karaoké avec "Let's Sing", une série annuelle proposant aux joueurs de s'affronter, micro en main, dans un concours de chant où la justesse de la voix est analysée.
Avec une petite équipe, cet ancien ingénieur a développé dans les années 2000 une technologie permettant de "détecter la fréquence fondamentale dans la voix humaine".
Après l'avoir commercialisée dans un premier temps sous forme de logiciel pour d'autres jeux vidéo, il décide finalement de lancer sa propre série sur la console Wii de Nintendo.
"Il y a eu une période d'euphorie dans les années 2000, jusqu'en 2010-2012, où c'était la folie des jeux musicaux", se souvient le patron de Voxler, qui compte aujourd'hui une trentaine de salariés.
A l'époque, la figure de proue du secteur s'appelle "Guitar Hero".
Avec ses manettes en forme de guitares électriques en plastique, sur lesquelles il faut appuyer sur divers boutons pour reproduire les notes à l'écran, la série s'est vendue à plusieurs dizaines de millions d'exemplaires dans le monde.
Pour Esteban Grine, docteur en sciences de l'information et de la communication, "il y avait un aspect festif et spectaculaire" dans ces jeux, notamment lié à l'utilisation de ces contrôleurs en forme d'instruments de musique qui incarnaient une forme "d'innovation" pour l'époque.
Ils s'adressent aussi un nouveau public, moins féru de jeux vidéo, qui se laisse séduire par la possibilité de "faire semblant" d'être une star du rock.
- "Effet de mode" -
Preuve de cet engouement, "Guitar Hero III" a été le titre le plus vendu aux États-Unis en 2007, remplacé l'année suivante par son concurrent direct "Rock Band" d'Electronic Arts, avant que ne commence le règne quasi sans partage de la saga "Call of Duty" pendant la décennie suivante.
Le début des années 2010 marque la fin, aussi brutale que leur éclosion, de ces jeux musicaux, dont les accessoires ont fini par encombrer les joueurs.
"L'effet de mode s'est estompé", observe M. Grine, qui coordonne également le Bachelor Game Art à l'école des Gobelins à Paris.
"Nous, on a été persévérants", rembobine Nicolas Delorme, malgré des moments "douloureux" qui ont forcé l'équipe à "faire le dos rond" avant que les ventes ne repartent à la hausse.
Chaque année, Voxler écoule "quelques centaines de milliers d'exemplaires" de la nouvelle version de son titre, dont la principale différence réside dans le renouvellement de la quarantaine de chansons disponibles. Un abonnement (payant) permet d'élargir ce catalogue, qui diffère selon les pays.
Pour repérer les titres les plus populaires, le studio analyse les données de joueurs; mais aussi les tendances sur les réseaux sociaux.
"C'est toujours plutôt pop et solaire", souligne Alexandre Schaack, le superviseur musical de la série, qui fait également le lien avec les labels et les éditeurs.
En plus de la vitrine publicitaire que leur offre le jeu, "leur rémunération est proportionnelle" aux ventes, explique-t-il. Donc, "plus le jeu fonctionne, plus ils toucheront de royalties", ajoute-t-il, alors que Voxler planche déjà sur les deux prochaines éditions de "Let's Sing".
T.Peeters--JdB